Dans sa tribune intitulée «Il faut que je vous dise… », publiée sur sa page Facebook, l’ancien ministre Ganiou Soglo est revenu sur le bilan des quatre ans de Patrice Talon à la tête du Bénin. Il écrit que «c’est avec un sourire en coin que j’ai sacrifiéà la sempiternelle émission télévisée de ce 6 avril 2020 portant sur le bilan des 4 ans de l’avènement du régime de la rupture ». Et trouve qu’il n’y a aucune originalité. Il a fait le tour d’horizon des réalisations de chef de l’Etat et affirme qu’il n’y a rien de surprenant que le régime de la rupture fasse des réalisations qui font partie de la fonction régalienne de l’Etat. Ganiou Soglo fait en suite remarquer que certains évènements ont été occultés dans ce bilan et montre comment le Bénin a reculé sur bien des domaines. Lisez ci-dessous l’intégralité de la tribune de Ganiou Soglo.
Il faut que je vous dise…
C’est avec un sourire en coin que j’ai sacrifié à la sempiternelle émission télévisée de ce 6 avril 2020 portant sur le bilan des 4 ans de l’avènement du régime de la rupture. Il n’y avait aucune originalité pour tout dire. Mais cette émission a permis de voir sur les réseaux sociaux les thuriféraires du régime en pâmoison devant cette litanie de réalisations. Cela est tout de même aberrant. Qu’y a-t-il de surprenant dans tout cela ? Le gouvernement de la rupture nous vend le nombre de kilomètres réalisés, les réformes dans le microcrédit, l’agriculture, la digitalisation de l’administration fiscale, la rationalisation des dépenses publiques, la maîtrise des effectifs dans la fonction publique, la bancarisation des prestations au trésor, l’amélioration du cadre de vie, etc.… Mais… Mes chers amis et chers compatriotes, on semble oublier que c’est la fonction régalienne de l’Etat que de développer l’ARCH (assurance-maladie), de construire un château d’eau à Bohicon ou d’éviter le délestage; c’est le rôle de l’Etat que de construire des routes, d’assurer la sécurité des citoyens. Sinon qui va financer les cantines dans les écoles ? Ce n’est pas encore du ressort du privé mais de la république.
C’est ce qu’on appelle : L’ACTION PUBLIQUE.
Pour mémoire, Nicéphore SOGLO au temps de sa superbe était même surnommé « le Maçon ». Et pour cause, en 5 ans à la tête de notre pays, c’est 634.5 km de routes réalisées (575 km pour le régime de la rupture), et près de 1010 km (2006-2015) pour Thomas BONI. La ville de Cotonou aura changé avec les différents ouvrages de pavage et bitumage; les habitants du 13ème et 12ème arrondissement (entre autres) doivent s’en souvenir et ceci sous la houlette du président SOGLO. Le chantre du changement dans son style a aussi impacté notre environnement avec l’échangeur de la sortie de Cotonou, les différents ponts à niveau etc… C’est le rôle du premier des béninois de s’occuper du bien-être de sa population. Malheureusement pour mes compatriotes qui bavent dès qu’on parle d’asphaltage, je leur demanderais d’aller faire un tour à Lomé à côté ou encore à Niamey plus au nord du Bénin. Comparaison n’est pas raison, mais il faut raison gardée ! C’est le Bénin qui gagne.
Le plus cocasse dans tout cela, c’est quand nous nous gargarisons du succès de certains fleurons de notre économie en l’occurrence le port autonome de Cotonou et la SBEE. Figurez-vous que 60 ans après notre indépendance, nous devons de nos jours faire appel à l’expertise occidentale pour gérer nos entreprises publiques. Ah oui j’oubliais ! Le Bénin est un désert de compétence! Heureusement que nous avons connu Monsieur Issa Soulé BADAROU directeur général du port de Cotonou dans les années 90. Son bilan parle pour lui. Néanmoins, il me manque quelque chose. Pourquoi ai-je tout de même ce goût d’inachevé dans la bouche ? Pourquoi ce goût d’amertume devant un bilan tout de même élogieux, il faut le reconnaitre ? La révision de la constitution n’a pas été abordée, le simulacre de rencontre entre amis du 10 octobre 2019 n’a pas été évoqué, l’installation des 83 délégués des partis politiques du président au palais des gouverneurs (haut lieu de la démocratie béninoise) même pas un mot sur le fameux système partisan, nenni ! La consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit serait ce là le point faible de la présidence Talon ?
Pourtant dans son programme de gouvernement le premier pilier de son action stipule que le chef de l’Etat devait consolider la démocratie et l’Etat de droit. Malheureusement pour les béninois, Il détricote nuitamment notre loi fondamentale, organise des élections législatives (exclusives) les pires (taux de participation de 7%) depuis l’avènement du renouveau démocratique. Le système partisan qui devait organiser le champ politique béninois et permettre le financement des partis politiques est encore plus nébuleux qu’avant. Notre pays a glissé vers ce que j’appellerais une démocrature, une démocratie apparente car le président a été démocratiquement (tout de même) élu mais exerce le pouvoir d’une main de fer au point de priver les béninois de ce qu’ils ont le plus cher : La LIBERTE. Notre pays depuis 2017 enregistre des exilés politiques, des jeunes sont en prison pour « délit de sale gueule », des radios et télévisions sont fermées, des journalistes emprisonnés pour délit d’opinion. Pire, la police politique tire à balles réelles sur des manifestants, une première au Bénin.
Quel recul pour un pays tant salué pour son ouverture politique chèrement acquise dans les années 1990 ? Récemment un internaute m’interpella en me demandant si la démocratie était le système idoine pour le développement de nos pays pauvres ? En d’autre terme, le président Talon n’a-t-il pas raison de serrer la vis pour que nous avancions ?
Napoléon III disait que « la liberté n’a jamais aidé à fonder d’édifice durable, elle le couronne quand le temps l’a consolidé ». Il pensait à juste titre qu’il avait reçu mission des français afin de lancer la France sur la voie de la prospérité. Mais pour mes contemporains c’est surtout l’exemple du président KAGAME qui frappe à l’œil. Les termes sont dithyrambiques quand on parle du Rwanda. C’est vrai, le Rwanda a fait bond exponentiel sous la férule du général-major Paul Kagamé. Mais il faut souligner ou rappeler que ce pays sort d’un génocide qui a fait 1 million de morts en 3 mois seulement. Puis le pays des milles collines aura connu une multitude de dons, prêts, subventions, facilités de trésorerie etc…. des pays occidentaux emplis d’un sentiment de culpabilité et essayeront de compenser leur lâcheté en se montrant plutôt compatissants en ouvrant la « banque » à ce pays. Enfin, il y a surtout la vision et la volonté de son président. Résultat, ce sont des centaines de projets structurants qui sont lancés. Le pays est totalement transformé. L’éducation représente 19% du budget national avec un taux d’alphabétisation des 15 ans de 70%. L’agriculture c’est presque 30% des dépenses publiques. Pourtant la controverse est interdite au Rwanda et le pays reste très dépendant de l’aide extérieur donc une certaine fragilité plane sur ce pays.
Les principes cardinaux qui définissent une véritable démocratie sont de mon point de vue : le suffrage universel, le respect des droits de l’homme, la séparation des pouvoirs, l’Etat de droit, le pluralisme des partis et enfin l’organisation d’élections libres. Au regard du monde actuel, développement et démocratie riment plus avec les pays les plus riches de la planète mais aussi avec certains pays d’Asie, voire d’Afrique comme le Botswana, l’île Maurice, les Seychelles, le Ghana pour ne citer que ceux là. Dans ces pays, il existe une émulation au niveau de l’économie de marché, les populations sont majoritairement alphabétisées, la politique de santé est une réalité (faible mortalité infantile), l’espérance de vie y est grande, la notion de libre entreprise n’est pas seulement un concept et la concurrence y est saine sans interventionnisme. Selon une étude de la BERD, il existerait même un lien direct entre l’Investissement Direct Etranger (IDE) et le niveau atteint dans la transition politique. Sachant que l’IDE augmente quand le marché d’un pays gagne la confiance des investisseurs, cet indicateur impacte positivement la croissance d’un pays. Par exemple, c’est ce facteur qui a permis à certains pays comme la Croatie, la Lettonie, la Slovénie et autres de frapper à la porte de l’Union Européenne. Ils ont su à l’époque passée d’une économie planifiée à une économie de marché grâce à une transition politique bien négociée.
Vous avez dit Etat voyou ?
En république du Bénin, il ne serait pas irrévérencieux de dire que Les passations de marché public se font en procédure de gré à gré, les conflits d’intérêt sont légions, et il existe souvent une confusion entre affaires privées et publiques, sans parler des arrangements entre amis qui relèvent d’une seconde nature. la manipulation des chiffres est sans précédent, le mensonge d’Etat une pratique courante, une police politique aux ordres des caciques du régime, aucune institution de contre-pouvoir viable, des médias caporalisés enfin une paupérisation des masses populaires devenant de plus en plus une triste réalité. Depuis 1990, il y avait une certaine pratique démocratique à laquelle le peuple était habitué. Il y avait un consensus qui existait et toutes crises trouvaient toujours un début de solution. Ce consensus empêchait les dérives auxquelles nous assistons aujourd’hui, évitait de tirer une arme létale sur sa population et permettait qu’on s’asseye pour dire ce qui n’allait pas. La fatalité était vaincue. L’oppression comme mode de gouvernance ne peut véritablement être pérenne et permettre un épanouissement voire le développement d’un peuple. La démocratie est compatible avec tout développement humain. La liberté et la dignité sont des aspirations légitimes d’un peuple. Si la démocratie ne garantit pas le meilleur, elle préserve du pire.
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Excellent début de semaine à tous, n’oubliez pas la distanciation sociale, ne négligez pas les gestes barrières..
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