La réponse du ministre porte-parole du gouvernement est disproportionnée, inappropriée et maladroite.
1) Réponse maladroite car ce n’est pas devant les caméras de la télévision qu’il faut s’adresser à la CADHP ou encore se référer au verdict de ladite Cour défavorable à l’État ivoirien de surseoir au mandat d’arrêt international contre Guillaume SORO, pour la simple raison qu’il ne peut se prévaloir de parler au nom d’un gouvernement étranger (Ne sutor ultra crepidam judicet).
2) Réponse disproportionnée parce que la question n’est pas de savoir si le Bénin maintient ou non sa déclaration du Protocole qui permet à ses citoyens de saisir directement la CADHP.
3) Réponse inappropriée enfin parce que selon le ministre, la CADHP a démontré et continue de démontrer qu’elle s’éloigne de son champ de compétences car, ce n’est pas de la souveraineté de l’État béninois à organiser à bonne date des élections qu’il s’agit.
D’ailleurs, en se référant à la souveraineté du Bénin, le ministre porte-parole du gouvernement oublie que : 《la faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté》, CPJI, 17 août 1923, Affaire du Wimbledon.
En réalité, si le Bénin considère que la CADHP abuse de ses prérogatives en statuant en dehors de ses compétences, rien de plus simple que de lui contester ces compétences en allant devant elle. Ici, il s’agit en fait de compétence prima facie (à première vue) d’où la mesure de surseoir à organiser les élections prévues le 17 mai prochain. C’est donc un mauvais procès qui est fait à la Cour de ne pas statuer au fond sans avoir statué sur sa compétence. Or, « en cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide » (article 36 alinéa 6 du statut de la Cour internationale de justice).
Autrement dit, la Cour a la compétence de sa compétence, ce que dit le professeur Roger Pinto « Ce ne sont pas les plaideurs qui sont maîtres de la compétence de la Cour, mais c’est la Cour elle-même qui est juge de sa propre compétence ».
En soutenant/défendant le gouvernement béninois de faire la déclaration de retrait du Protocole qui permet aux citoyens béninois de saisir directement la CADHP,
le ministre porte-parole du gouvernement a tout simplement apporté de la façon la plus magistrale la preuve de ses limites en matière de droit international public ou droit des gens, car ce retrait ne produira ses effets que dans un an, étant donné que la Cour ne saurait être un moulin où l’on va ou sort à sa guise.
Professeur Emilien d’Almeida
Paris
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