Dans le contexte de la crise sanitaire mondiale induite par la pandémie à coronavirus, le Bénin se bat comme de nombreux pays du monde pour éviter que ce virus n’impose pas à sa loi à notre pays et à sa population. S’il faut reconnaitre que la gestion de cette crise est à saluer au regard des mesures prises par le Gouvernement, il faut aussi s’interroger sur un certain nombre d’autres mesures qui posent des problèmes. La plus emblématique est le test de dépistage aux frontières aériennes de notre pays.
Un test de dépistage à 100.000 francs CFA
Selon les textes actuellement en vigueur, la réalisation d’un test coûterait 100.000 cfa par personne,à l’arrivée à l’aéroport de Cotonou. D’après les informations aujourd’hui disponibles, ce taux est le plus élevé de la sous-région. A titre d’exemple, voici ci-après le protocole en matière de test aux frontières dans un certain nombre de pays en Afrique de l’Ouest et du centre avec leur coût (ou non), tels que publiés par une compagnie aérienne.
Comme l’indiquent les informations contenues dans ce tableau, le Bénin se trouve être le pays de ce groupe qui applique le tarif le plus élevé pour le test de dépistage du COVID-19. Cette situation n’est pas sans conséquence sur les citoyens Béninois qui retournent dans leur pays quelle que soit leur provenance.
Quel sort pour les Béninois de la Diaspora et les opérateurs économiques ?
Par ces temps de vacances dont de nombreux Béninois profitent pour rentrer dans leur pays, certains avec leur petite famille, il est aisé d’imaginer l’incidence de la pratique d’un taux aussi élevé sur le budget de leur voyage et de leur séjour. Quelle est la motivation d’un taux aussi élevé ? Combien coûte un test sur le marché international, qu’il s’agisse de PCR ou de TDR ? Quel est le coût d’opérations y compris le personnel ? Quelles en sont les autres composantes ? A quoi est destiné cette manne financière ? Le Gouvernement du Bénin devra répondre à toutes ces questions en toute transparence pour rassurer les Béninois de la diaspora et ceux vivant sur le territoire national et qui doivent se rendre à l’extérieur et retourner sans encombre dans leur pays. En outre, les opérateurs économiques appelés à voyager souvent dans la sous-région et au-delà sont confrontés aux mêmes contraintes.
La santé est un bien public et non un business, même s’il a un coût pour chaque individu. C’est pourquoi, de nombreuses institutions investissent dans les pays pour les aider à amoindrir le choc de cette pandémie. Si le Bénin n’a pas eu accès à ces facilites, il faut se poser les bonnes questions. Penser que notre pays est auto-suffisant et qu’on pourrait essorer les citoyens avec des coûts élevés est simplement une mauvaise politique. Le rôle d’un Etat responsable est de mobiliser les ressources pour assurer la santé des populations, avec la contribution des bénéficiaires. Facturer les tests du COVID-19 à 100.000 francs cfa par voyageur ne participe en rien à la jouissance de ce droit consacre par la constitution.
Quelques hypothèses
De nombreux pays ont bénéficié d’appuis considérables dans le cadre de la réponse a la pandémie. Le Bénin a-t-il pu engranger des soutiens à la dimension de notre espérance ? Les gouvernants n’ont-ils pas fermé la porte à la communauté internationale, au mépris des intérêts du peuple, avec l’environnement de privation de liberté et de recul de la démocratie créé depuis quelques petites années ? Quel traitement réservons-nous à nos opérateurs dont certains sont contraints à l’exil ? Il ne faut pas se leurrer, le monde est aujourd’hui un village planétaire et toute politique de repli sur soi est vouée à l’échec à court ou à long terme. S’il est vrai que le peuple doit travailler pour se développer, il faut aussi reconnaitre que notre pays est très loin de s’auto-suffire en se murant dans le particulier.
La diplomatie en ligne pour laquelle nos dirigeants ont opté montrera bientôt ses limites. Les pays sont appelés à se donner la main. Malgré son poids économique dans la sous-région, la Côte d’Ivoire a obtenu d’énormes moyens de la communauté internationale et notamment des opérateurs économiques dans le cadre de sa réponse. Le Nigeria, notre voisin de l’Est, première puissance économique Africaine avec ses 200 millions d’habitants pouvaient aider le Bénin dans la réponse à la pandémie, avec nos 12 millions d’habitants, moins que la ville de Lagos, si nous avions maintenu la santé des relations diplomatiques entretenues avec ce pays frère par les régimes précédents. Ce n’est ni de la mendicité, ni une honte, mais simplement de la realpolitik.
Il faut avoir le courage de le dire, toute politique égoïste, mal pensée et conduite avec amateurisme dans la gestion de la chose publique ne peut qu’être hasardeuse et pleine de conséquences sur la vie et l’avenir des populations Béninoises dont plus de la moitié ploie toujours sous le poids de la pauvreté, malgré les statistiques économiques brandies avec l’onction de certaines institutions internationales moins soucieuses du bien-être des populations que du charme des chiffres qui flattent l’ego des gouvernants.
Urbain E Nougbodé
Sociologue planificateur
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