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(ENQUETE) L’automédication : les dangers d’une pratique séculaire

Ignorant le danger que cela représente pour leur santé, de nombreuses personnes ont recours à l’automédication à Parakou. Habitués à se faire servir des comprimés accompagnés de la tisane aux bords des voies à travers la ville, des abonnés à cette pratique ont bien voulu évoquer les motivations de leur choix suicidaire. Médecin néphrologue au Centre hospitalier et universitaire départementale (CHUD) Borgou, le Dr Séraphin Ahoui alerte toutefois sur les conséquences désastreuses, tant sur le plan sanitaire qu’économique, de cette pratique séculaire.

Au bord de la grande voie qui passe devant le Lycée Mathieu Bouké de Parakou, une jeune dame, la quarantaine environ, a disposé sur une table, un récipient en plastique contenant 25 à 30 litres de tisane préparée à base des racines de différentes plantes. Il est 7 h 35 mn, ce mercredi 17 novembre 2020 et le coin grouille de monde. Fonctionnaires, artisans, conducteurs de taxi-motos communément appelés zémidjans et particuliers se bousculent, pour se faire servir un gobelet de tisane accompagné de produits pharmaceutiques. Il s’agit souvent de comprimés de paracétamol, de chloroquine, de Ibucap, de Socomol, de Ibuprofen, d’aspirine etc qui sont rapidement avalés. Même constat chez dame « Hawé », une autre vendeuse de tisane installée en face de l’Eglise catholique de Albarika, dans le premier arrondissement Parakou. Tous les matins, ils sont nombreux à fréquenter ces vendeuses.

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A chacun sa pharmacie

« C’est un passage obligé, avant de se rendre dans son lieu de travail ou de démarrer son activité », a confié Abdou Zoulkanéi, un conducteur de Taxi-moto. Mécanicien dans une compagnie de transport, Paul N’tcha fait observer qu’il prend tous les soirs deux comprimés de Ibucap et de Socomol, à cause de la fatigue accumulée au cours de la journée. Pendant ce temps, Azizou Nouhoun un réparateur de pare-brise de voitures, à Titirou, un quartier de Parakou, ne réalise pas l’importance d’aller en consultation dans un centre de santé. Aussi, préfère-t-il s’approvisionner en médicaments quitte à les utiliser, dès que lui-même ou un membre de sa petite famille sent un malaise. 

C’est par manque de moyens, expliquent-ils, qu’ils optent pour l’automédication aux fâcheuses conséquences. Ce que confirme A. Alain un conducteur de véhicule de transport en commun, qui n’a pas l’habitude de se faire consulter, encore moins ses enfants, en cas de souci de santé, sauf dans des cas vraiment critiques où les médicaments ingurgités se sont révélés sans effet sur le mal. Comme lui, la quasi-totalité des personnes rencontrées ont déclaré se rendre à l’hôpital ou dans un centre de santé, lorsque les produits pris sans avis médical, ne leur donnent pas satisfaction. 

En effet, selon l’organisation mondiale de la Santé (OMS), l’automédication est le fait pour un individu de  recourir à un médicament, de sa propre initiative ou de celle d´un proche, dans le but de soigner une affection ou un symptôme qu’il a lui-même identifié, sans chercher à consulter un professionnel de santé. C’est une pratique très répandue dans la commune de Parakou où tous les types de médicaments sont mis à contribution.

Les raisons de cette pratique

Selon le docteur Séraphin Ahoui médecin néphrologue, responsable de l’unité de dialyse du CHUD Borgou et enseignant à la faculté de médecine de l’Université de Parakou, l’automédication est un phénomène de société. « En général, 85 à 90% de la population de Parakou pratique l’automédication », a-t-il indiqué, en faisant noter qu’elle est surtout pratiquée par les femmes, les jeunes, tous considérés comme des bras valides. Les enfants sont également soumis à une automédication, d’une manière indirecte. Les raisons de cette pratique aux conséquences lourdes sont multiples. Le médecin néphrologue a évoqué les raisons sociales, sociologiques et économiques. 

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Les raisons sociales, insiste-t-il, résident dans la prise du même médicament utilisé par le passé et qui a donné satisfaction, sans une consultation dès la survenue du même malaise. Il y a l’accessibilité aux centres de santé et la disponibilité des médicaments aux centres de santé, le médicament qui est à portée de main, qui peuvent justifier cette situation. A cela s’ajoute la disponibilité des médicaments de rue. 

Par ailleurs, beaucoup de personnes pensent que le médicament qui a été prescrit pour le sujet A, peut être utilisé par le sujet B. Ce qui, en réalité, ne devrait pas être le cas, a précisé le Dr Séraphin Ahoui. 

En ce qui concerne les raisons sociologiques, elles sont liées à la communauté dans laquelle nous vivons. La maladie étant considérée comme un mythe, par conséquent, il n’est pas question de dévoiler sa maladie. L’on préfère se soigner en cachette, avec des médicaments qui n’ont pas été prescrits par un professionnel. 

Il y a également une raison économique à l’automédication, croit savoir le médecin néphrologue. Selon lui, faute de moyens financiers, les patients refusent de se rendre à l’hôpital afin de savoir de quel mal ils souffrent véritablement. Ils préfèrent prendre le médicament qui est à portée de mains, ignorant les dangers auxquels ils s’exposent. 

Les risques liés à l’automédication 

Quelles que soient les raisons, l’automédication non encadrée est déconseillée à cause des dangers et des complications graves qui en découlent. Il s’agit d’une mauvaise identification des symptômes. Les médicaments ingurgités vont agir sur le symptôme principal, les effets indésirables, surtout s’il y a une interaction. Ce qui peut détruire les organes nobles et entraîner une insuffisance rénale, cardiaque ou un infarctus, des AVC, un retard au diagnostic voire des complications et le non-respect des contre-indications et de la posologie. « De toutes les façons, lorsque les complications surviennent, le traitement est plus cher », a prévenu le Dr Séraphin Ahoui. Pour tous problèmes de santé, il recommande de recourir à un médecin.

Max CODJO /Partenariat OSIWA-LNT

2 réponses

  1. Avatar de The Atlantean
    The Atlantean

    C’est révoltant après soixante ans d’indépendance, le pays est incapable de se maintenir debout sur ses deux jambes dans les secteurs liés au besoin sanitaire des gens. C’est déplorable et dégoutant de voir à nos jours de faux médicaments qui circulent encore à travers le pays mettant ainsi la vie des pauvres hommes et femmes en danger. Et le gouvernement de Talon ne fout rien pour éradiquer la présence de faux médicaments, et ces faux médicaments entrainent des réactions néfastes des organes internes poussant un grand nombre de béninois (ses) vers les centres médicaux avec des conséquences médicales comme insuffisance rénale, le coeur, haute tension etc. Qu’est-ce que Talon attend pour envoyer la descente policière dans ces marches pour confisquer et brûler ces faux médicaments qui mettent en peril la vie des citoyens? Cela deviant une répétition à long terme: Nous somme bêtes et ignorants.

  2. Avatar de Lala BINTOU
    Lala BINTOU

    Val, 😁😁, blo dé bonou min na yi azomè. Il est 20h53 mn, on commence à 21h15 (équipe de surveillance de nuit, du site de Barbès (Tati)

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