Le décompte macabre dû aux attaques djihadistes meurtrières au Bénin s’est alourdi. Neuf morts et une dizaine de blessés dans la seule journée du mardi 08 février 2022. C’est le bilan de la dernière attaque menée contre une équipe de Rangers prise pour cible dans le parc national W situé à la frontière entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Une semaine auparavant, une autre attaque dans la même région avait fait un mort et plusieurs blessés quelques heures après le passage d’une délégation de députés de l’Assemblée nationale qui s’était déplacée pour rassurer les populations de ces localités.
Depuis mai 2019, notre pays a essuyé pas moins de quatre attaques djihadistes après le meurtre d’un guide et l’enlèvement de deux touristes français qui seront libérés quelques mois plus tard au Burkina Faso suite à une opération militaire française. A ce jour, aucune de ces attaques n’a été revendiquée. Ainsi, la crainte d’une propagation du péril djihadiste venu du Sahel devient une réalité. Certes, beaucoup d’observateurs prévoyaient cette extension du terrorisme vers le Bénin compte tenu de la situation d’insécurité qui prévaut dans la sous région, mais personne ne connaissait ni le moment où elle interviendrait ni l’ampleur qu’elle prendrait. Les dirigeants de notre pays étaient tout juste dans l’expectative priant que le moment tant redouté intervienne le plus tard possible. Aujourd’hui, le doute est levé : la menace est devenue réalité avec son lot de victimes innocentes. Dès lors, chacun cherche à savoir pourquoi les terroristes nous veulent si tant de mal.
Pas de conflit religieux
Le Bénin est un pays laïc et n’a connu aucun conflit interreligieux d’envergure à part quelques escarmouches enregistrées ça et là au sein d’une même communauté identitaire. Musulmans, chrétiens et adeptes de religions endogènes ont toujours cohabité en bonne intelligence et il n’est pas rare de voir dans une même rue, une mosquée à côté d’une église et entre les deux, un édifice dédié à tel ou tel divinité vodou. Les fidèles se côtoient tous les jours se disant bonjour au passage. Et les Béninois sont si fiers et jaloux de cette cohabitation pacifique, cette harmonie, que le risque de les voir s’affronter est jusqu’à présent très faible. Le facteur religieux est donc à écarter. Du moins pour le moment. A contrario le fait que les attaques soient centrées sur les forces de défense peut donner une autre indication.
Zone de non droit
Les zones frontalières avec le Burkina Faso et le Niger en général sont recouvertes de forêts et de montagnes rocheuses traversées par des cours d’eau et isolées des axes routiers où il est facile de se cacher. Les forces de sécurité et de défense ne s’y hasardent presque pas. Et dans les parcs animaliers les braconniers et autres contrebandiers s’adonnent à leurs activités à cœur joie. L’ arrivée de l’ONG de défense de l’environnement sud africaine African Parks pour gérer les parcs animaliers qui s’y trouvent n’a pas encore comblé les attentes. Du coup, cette zone est devenue un lieu de replis des terroristes après des attaques perpétrées au Mali au Burkina Faso et au Niger. En attaquant les troupes béninoises, les djihadistes cherchent donc à sécuriser leurs sanctuaires, marquer leur territoire et limiter les actions des forces de défense béninoises. Ils veulent également avertir les populations de ne pas coopérer avec l’État central mais aussi de ne pas se mêler de leurs affaires car, le terrorisme rime souvent avec banditisme de tous genres, trafics de drogue et d’êtres humains.
Cette zone sert également de lieu de stockage et d’approvisionnement de vivres et de carburant pour les combattants qui sont au front. En même temps, les djihadistes profitent pour frapper en plein cœur de l’économie touristique et fragilisent un peu plus l’État en exploitant les ressources naturelles qui s’y trouvent. De sorte que les attaques que l’on observe aujourd’hui, pourraient se limiter à ces zones et ne pas gagner les autres régions du pays. Mais pour prévenir l’expansion de cette menace et sécuriser le nord du pays, Ie renforcement du dispositif militaire comme annoncé par le gouvernement ne suffit plus. Il faut une coordination des actions des armées de ces trois pays. Les opérations de la force Barkhane qui a déjà neutralisé une quarantaine de djihadistes après cette dernière attaque doivent s’étendre à cette zone qui jusque là n’était pas concernée. La classe politique béninoise quand à elle doit faire front commun car, le combat n’est pas seulement celui du gouvernement, mais de tout le peuple.
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