Sous l’arrivée brutale et inattendue du Professeur Joseph Djogbénou à la tête du plus grand parti politique actuel du Bénin, s’est caché un évènement politique que je crois majeur dans l’histoire politique de notre pays. Pour quelqu’un qui est resté un peu attentif à la vie politique de notre pays depuis 1990 au moins, la retraite politique de Bruno Amoussou est un élément interpellateur auquel on ne peut pas rester indifférent. D’abord à cause de la carrure du personnage qui a décidé, de manière aussi discrète que sobre, de s’éclipser mais aussi à cause du moment choisi pour le faire. On le savait assez ombrageux, peu disert, cultivant le grand secret comme nos sages d’Afrique mais choisir un tel départ du parti qu’il s’est battu pour construire est à la fois surprenant et un peu déshonorant pour lui.
Bien que son parcours politique n’ait pas été le plus exemplaire du pays, il consacre une vérité à laquelle même ses pourfendeurs les plus acharnés n’ont pu contester. Bruno Amoussou était un grand homme. Son parcours, sa réussite sociale et sa longévité politique font de lui un homme particulier et surtout un exemple pour la jeunesse. Né 02 juillet en 1939 à Aplahoué dans le département du Couffo, il doit son ascension sociale à sa grande intelligence. Elève brillant, il fit un parcours scolaire en flèche au lycée Victor Ballot de Porto Novo à l’Institut d’agronomie en France. C’est déjà à l’époque que la personnalité politique de l’homme se forge. Au cours d’un atelier au Chant d’Oiseau de Cotonou, l’université d’été de développement, il affirme avoir commencé la politique le jour où, au cours d’une réunion de l’UGEED(Union Générale des Elèves et Etudiants du Dahomey) dans son collège, le président de séance l’invite à tenir le secrétariat de réunion en remplacement du secrétaire Général indisponible. Il était en classe de quatrième. Et depuis, affirme-t-il, « j’ai commencé à m’intéresser aux affaires des grands ». Cette flamme l’a conduit à la tête de cette organisation en 1962. Il sera plus tard Directeur Général de la Société Nationale de Développement Rural (SONADER), Directeur Général de la Banque Commerciale du Bénin(BCB). Après la conférence nationale, il fut Président de l’Assemblée Nationale en 1995, ministre d’Etat chargé du développement et de la Coordination de l’action gouvernementale de 1999 à 2005. Sur le plan politique, détail important, il a été président successivement de son propre parti le Parti Social Démocrate( PSD) puis après de l’Union fait la Nation(UN) et de l’Union Progressiste(UP). Ceci lui a valu le titre de « Président « par lequel l’appellent plusieurs personnalités politiques.
Bruno Amoussou a marqué son temps par un style langagier assez singulier. Il avait un discours très pur fait de phrases courtes où se mélangent proverbes, anecdotes et formules ampoulées. Il ne disait jamais rien sans en avoir l’assurance et la certitude et ne prend presque pas le risque des envolées verbales qui l’emportent loin de son sujet. Il avait réussi à épurer de son vocabulaire politique les mots blessants, les déclarations spectaculaires mais usait plus les expressions bien enroulées que ne comprennent que les initiés et les maîtres de la parole. Il avait ce sang froid hors du commun. Jamais il ne lui est arrivé de laisser transparaître ses émotions ou ses états d’âme dans ses discours. Cela fait de lui le personnage politique le moins adulé ou critiqué dans les médias. Il était respecté. Et à la limite craint pour le côté mystère de sa personne.
Il était aussi d’une finesse et d’une intelligence politique rare. Capable d’anticipation et disposait d’un flair hors du commun qui lui permettait d’avoir de l’avance sur ses adversaires et même ses alliés politiques. Ceci lui a valu à la fin des années 90 le titre du renard de Djakotomey. Et comme l’autre renard de regretté mémoire, il avait tiré sur la sonnette d’alarme par rapport au rôle pernicieux de l’argent dans le système partisan béninois.
Bruno Amoussou incarnait le chef. A chaque fois qu’il apparaît dans ses boubous bien élégants, on voyait un homme de pouvoir. Il dégageait une sorte d’assurance, incarnait un pouvoir invisible. Il avait un timon que personne ne peut voir. C’est pourquoi son départ continue de susciter des interrogations. Comment a-t-il pu transmettre toute cette énergie ? A-t-il vraiment transmis son ministère sacré ? A-t-il vraiment remis à Joseph Djogbénou le vrai pouvoir ? Comment aurait-il pu donner tout de lui dans cette ambiance de précipitation ? Non, cela ne ressemble guère à Bruno Amoussou, ce chef au pas feutré dont la parole aussi sacrée que posée faisaient pâlir d’envie tous les jeunes qui veulent s’essayer à la politique.
Il faut l’avouer, Bruno Amoussou part dans une période de grandes incertitudes. Il part à un moment où maints Béninois se demandent où va le navire Bénin et où la politique ne fait plus rêver. Il avait besoin de nous tenir en haleine, de nous aider à traverser les flots. Et c’est ce travail inachevé qui interpelle.
Au delà de tout, il faut saluer son parcours : ce don de soi au Bénin et à l’Afrique. Quatre vingt trois ans de vie et presque une soixantaine consacrée au pays. Qu’on l’aime ou pas, c’est un parcours à saluer et à enseigner aux jeunes. Loin de toute position partisane, c’est cet exemple que salue la Nouvelle Tribune conscient que Bruno Amoussou ne sera jamais loin de la politique jusqu’à son dernier souffle. C’est son sacerdoce et sa vie.
Bruno Amoussou, tant qu’il vivra, il ne sera jamais loin de la politique.
Répondre à Vodounon Annuler la réponse