C’est « l’enfant choyé » de la politique béninoise de cette dernière décennie. Depuis 2015 où il fait son entrée en politique, Joseph Djogbénou vole de promotion en promotion. En trois ans, il est passé du titre de citoyen lambda au poste de Président de la Cour constitutionnelle, soit la 3è personnalité de l’Etat béninois. En démissionnant hier de ce poste, Joseph Djogbénou a visiblement pris des risques au prorata de ses ambitions politiques. Reste que ces risques peuvent être payants ou non.
Cette démission arrive un peu comme une pluie de contre-saison : inattendue et brutale. A peine a-t-on fini de s’interroger sur les raisons de ses dernières visites aux deux premières personnalités de l’Etat Béninois que Joseph Djogbénou jette le froc aux orties. Un communiqué signé en début de matinée du secrétaire général de l’institution annonce sa démission et son remplacement provisoire par son vice-président. Surprise générale. Personne ne s’y attendait sauf les deux personnalités qu’il a mises dans l’économie de sa décision. Selon des sources concordantes, Joseph Djogbénou pourrait briguer dans les prochains jours la présidence du parti L’Union Progressiste (UP) laissée vacante par le président actuel Bruno Amoussou qui aurait officieusement démissionné et attendrait le 16 juillet pour le rendre officielle. Si cette éventualité se réalise, Joseph Djogbénou se retrouvera à la tête du plus grand parti politique du Bénin. Loin d’être une nomination déshonorable, il s’agit d’une grande promotion sur le plan politique puisque le poste lui offre une grande visibilité et le prestige politiques contrairement à celui du Président de la Cour où il vivait presque en réclusion loin des tractations et les veillées d’armes dans les formations politiques. Mais ce gain politique évident ne compensera guère le confort et l’aisance matérielle et financière qu’offrent le poste de Président de la Cour constitutionnelle, 3è personnalité de l’Etat après le Président de la République et celui de l’Assemblée Nationale. Pour ceux qui connaissent le Président Joseph Djogbénou que certains trouvent « trop pressé », devenir président de l’UP ne peut qu’être un tremplin pour accéder aux deux dernières responsabilités politiques pour meubler son parcours fugace et ambitieux d’homme politique. Mais alors, que fera Djogbénou pour réaliser son rêve ?
L’Assemblée nationale : une escale
Même si, comme beaucoup peuvent le penser à raison, tout ce que fait Djogbénou sert Talon, il n’est pas à exclure dans ce cas que cette démission est pensée et mûrie par l’intéressé lui-même depuis un moment. Deux raisons pourraient l’expliquer. La première c’est que Djogbénou est le seul parmi ceux qui aspirent à remplacer Talon à poser de temps en temps des actes dans ce sens. Il aurait, depuis plusieurs mois, entrepris des rencontres informelles et discrètes sur le terrain pour mettre les militants du parti dans l’intelligence de son projet. Son activisme politique a été dénoncé par un canard de la place qui ne comprend pas comment de sa position de Président de la Cour Constitutionnelle soumis à l’obligation de réserve, il ose mener des activités politiques en catimini. Joseph Djogbénou avait réagi quelques jours après, annonçant subrepticement que « le pays était bien dirigé ». Et ce n’est pas tout. Joseph Djogbénou multiplie son activisme afin de devancer un peu ses concurrents qui, pour la plupart, attendent un hypothétique quitus du chef de l’Etat afin de se lancer dans la bataille. Il se susurre qu’il y a plusieurs présidentiables autour du Président Patrice Talon. De façon régulière, on annonce Romuald Wadagni, Aurelien Agbénonci, Olivier Bocco et Johannès Dagnon. Le fait donc de les devancer pourrait être un facteur déterminant dans le choix final du dauphin ou dans la bataille de la candidature au sein de la majorité présidentielle. Djogbénou veut donc couper l’herbe au pied de Talon et l’obliger à accepter sa candidature.
Un vieux deal
Vouloir être candidat de la République est pour Djogbenou une ambition personnelle mais aussi le fruit d’un accord qu’il y aurait eu entre Patrice Talon et son avocat d’alors. On se rappelle qu’en 2015, Joseph Djogbénou avait été désigné candidat par son parti « Alternative Citoyenne » avant que Patrice Talon ne se déclare candidat. Par respect pour son « patron » d’alors et pour maximiser les chances de cette opposition en exil, Joseph Djogbénou a renoncé à ses ambitions et a apporté un soutien franc au candidat Patrice Talon qui a gagné l’élection sans fioriture. Des indiscrétions parlent d’accord politique où le chef de l’Etat aurait promis à son premier ministre de la justice de le soutenir après qu’il aurait fini son unique mandat. En réponse, Joseph Djogbénou s’est montré loyal en soutenant sans réserve le chef de l’Etat alors qu’il était Président de la Commission des Lois à l’Assemblée Nationale puis en tant que Garde des Sceaux. Lorsque l’option du second mandat de Patrice Talon surgit, il l’a aussi soutenu sans réserve. Durant son mandat, la cour constitutionnelle aura été très proche du pouvoir. Au regard de tout cela, Joseph Djogbénou apparaît comme le plus fidèle des amis du Président de la République. Son choix pourrait être vu comme la récompense de la fidélité en politique mais au plan du prestige et de la crédibilité, l’impact sera-t-il le même ? Dans le cas contraire, cela risque de plomber son ambition.
Laisser un commentaire