Longtemps perçue comme un acteur central au Maghreb et en Afrique francophone, la France voit aujourd’hui son influence contestée par de nouveaux rivaux qui avancent leurs pions avec pragmatisme. La relation franco-maghrébine, autrefois un pilier de la politique africaine de Paris, est fragilisée par une succession de crises diplomatiques, des choix économiques contestés et un discours politique souvent perçu comme rigide. Dans ce contexte, d’autres puissances, certaines alliées de la France sur la scène internationale, trouvent un terrain propice pour renforcer leur présence. L’Italie, la Chine, la Russie et même les États-Unis exploitent les fragilités de la diplomatie française pour accroître leur influence économique et stratégique dans la région.
Italie, Chine, Russie : des stratégies adaptées au Maghreb
Le cas italien est particulièrement révélateur. À travers son plan Mattei, Rome a adopté une approche pragmatique en Algérie, multipliant les investissements dans des secteurs clés comme l’énergie, l’agriculture et l’industrie automobile. En évitant les tensions mémorielles qui compliquent la relation entre Paris et Alger, l’Italie est parvenue à s’imposer comme un partenaire de premier plan. Sa stratégie se distingue par sa flexibilité et sa capacité à répondre rapidement aux besoins algériens, notamment dans le domaine énergétique avec des projets comme le SoutH2 Corridor, qui vise à fournir de l’hydrogène vert algérien à l’Europe.
La Chine, de son côté, déploie une politique d’influence plus discrète mais non moins efficace. Elle investit massivement dans les infrastructures, notamment au Maroc et en Algérie, où elle finance des projets autoroutiers, ferroviaires et industriels. Son approche, fondée sur des accords de long terme sans condition politique apparente, séduit des gouvernements soucieux de diversifier leurs partenaires. Pékin a également su s’imposer comme un acteur clé dans le secteur énergétique, notamment avec la modernisation de raffineries et le développement des énergies renouvelables.
La Russie, quant à elle, s’appuie sur des liens militaires et une proximité idéologique avec certains régimes. L’Algérie est son principal client en Afrique pour l’armement, avec des accords d’achats d’avions et de systèmes de défense. La diplomatie russe joue aussi sur le rejet de l’ingérence occidentale et met en avant une coopération « sans condition », notamment dans le domaine sécuritaire. Moscou profite des tensions entre la France et ses anciens partenaires pour proposer une alternative, comme en témoigne sa montée en puissance au Sahel après le départ des forces françaises.
Les États-Unis, alliés stratégiques mais concurrents économiques
Si la France et les États-Unis partagent des intérêts communs en matière de lutte contre le terrorisme au Maghreb et au Sahel, Washington n’en reste pas moins un concurrent économique et diplomatique. L’administration américaine a renforcé ses liens avec le Maroc, notamment avec la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, une décision qui a contribué à raffermir l’axe Rabat-Washington au détriment de Paris. Les entreprises américaines investissent également dans le secteur énergétique en Algérie et cherchent à capter des parts de marché autrefois dominées par les entreprises françaises.
En matière d’influence culturelle et éducative, les États-Unis parviennent à séduire une nouvelle génération d’élites maghrébines grâce à des programmes de coopération universitaire et à l’anglais, de plus en plus perçu comme une alternative au français. Cette évolution progressive contribue à affaiblir un des piliers traditionnels de l’influence française dans la région.
Quelle place pour la France dans ce nouvel échiquier ?
Face à cette concurrence accrue, la France doit repenser sa stratégie au Maghreb si elle veut maintenir une place significative. La crispation politique et les tensions récurrentes avec l’Algérie, les difficultés à adapter son offre économique aux attentes locales et la concurrence de partenaires plus flexibles l’ont mise en difficulté. Si Paris continue de voir le Maghreb sous l’angle de relations historiques figées, elle risque de s’effacer au profit de puissances qui savent mieux s’adapter aux évolutions du paysage régional.
Dans un contexte où les rivalités économiques et diplomatiques se multiplient, la France est confrontée à un choix : s’ajuster à la nouvelle donne en adoptant une approche plus pragmatique, ou voir son influence s’éroder au profit de ceux qui savent conjuguer coopération économique, diplomatie souple et absence de contentieux historiques encombrants.
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