Depuis des décennies, l’idée d’un Maghreb uni anime les discours politiques et les aspirations populaires. Ce projet, formulé dès l’indépendance des pays de la région, évoque un espace commun fondé sur des liens historiques, culturels et géographiques profonds. Il s’agissait d’imaginer une intégration économique et politique capable de rivaliser avec d’autres unions régionales, en surmontant les tensions bilatérales et les cloisonnements nationaux. Pourtant, les blocages diplomatiques ont souvent freiné l’élan. Aujourd’hui, des initiatives concrètes et ciblées remettent en lumière cette ambition, non pas dans les grandes déclarations, mais à travers des partenariats tangibles entre acteurs économiques. La coopération algéro-mauritanienne, dynamisée par une récente série d’accords signés à Nouakchott, redonne chair à cette perspective longtemps restée théorique.
Une coopération discrète, mais structurante
Loin des grandes messes politiques, c’est à Nouakchott qu’un tournant silencieux mais déterminant s’est opéré. À l’occasion d’une exposition dédiée aux produits algériens, un Forum économique a réuni environ 200 entreprises venues d’Algérie, couvrant des domaines aussi variés que la transformation alimentaire, les technologies de santé ou encore les services. Ce rendez-vous d’affaires a permis de transformer une simple vitrine en levier de coopération opérationnelle. Plusieurs ententes commerciales ont été formalisées, ouvrant la voie à une collaboration économique élargie entre Alger et Nouakchott.
Santé, industrie, commerce : des synergies concrètes
L’un des accords les plus emblématiques a été scellé entre le groupe pharmaceutique algérien Saidal et son partenaire mauritanien Chinguetti Pharma. Ce partenariat prévoit l’acheminement de médicaments vers la Mauritanie, avec une ambition régionale assumée : s’étendre aux marchés voisins d’Afrique de l’Ouest. Derrière cette alliance sectorielle se cache un objectif plus vaste : hisser les deux pays à un niveau de coopération stratégique dans un secteur vital. Loin d’être un simple contrat d’exportation, cet accord incarne une volonté partagée d’investir ensemble dans des filières porteuses.
L’économie comme moteur de rapprochement régional
Ce qui distingue ces initiatives des précédentes tentatives d’intégration, c’est leur réalisme. Le ministre algérien du Commerce intérieur, Taïeb Zitouni, a d’ailleurs insisté sur la dimension exécutoire des contrats signés — une rupture nette avec les nombreuses promesses qui n’ont jamais abouti. En mettant l’accent sur des projets concrets portés par des acteurs du terrain, les deux pays amorcent une dynamique différente : celle d’une coopération utile, construite sur des besoins réels et des opportunités partagées.
Au lieu d’attendre un cadre politique global pour agir, les entreprises prennent les devants, construisent des liens, et font émerger une interdépendance économique nouvelle. Cette approche, plus modeste en apparence, pourrait bien s’avérer plus efficace que les grands plans théoriques.
Une perspective maghrébine à l’échelle bilatérale
Bien que centrées sur les relations entre l’Algérie et la Mauritanie, ces nouvelles passerelles peuvent être interprétées comme les premiers éléments d’une trame régionale en construction. Pour l’Algérie, il s’agit de valoriser ses capacités de production et de diversification industrielle. Pour la Mauritanie, c’est l’occasion de profiter de transferts de technologies et de logistique capables de moderniser ses structures économiques.
À travers ces accords ciblés, c’est une autre idée du Maghreb qui prend forme : non plus un idéal suspendu aux aléas diplomatiques, mais une réalité en gestation dans les entrepôts, les usines, et les réseaux de distribution.
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