Diaspora au Maghreb : les transferts dans ce pays en dessous de la moyenne mondiale

La Banque Centrale de Tunisie. Photo : DR

Les diasporas africaines jouent un rôle majeur dans le soutien économique de leurs pays d’origine. Chaque année, des dizaines de milliards de dollars sont envoyés vers le continent, représentant un apport supérieur à l’aide publique au développement dans certains cas. Ces flux, provenant principalement d’Europe, d’Amérique du Nord ou du Golfe, assurent des revenus stables à de nombreuses familles, permettent la couverture des besoins de base et, dans certaines situations, soutiennent des projets locaux, des services communautaires ou des investissements privés. En Éthiopie, au Nigeria ou encore au Sénégal, des initiatives ont vu le jour pour canaliser ces fonds vers l’économie productive. Pourtant, cette dynamique reste contrastée d’un pays à l’autre, comme en témoigne la situation en Tunisie.

Des transferts encore limités dans leur portée économique

En Tunisie, les fonds envoyés par les ressortissants à l’étranger représentent environ 5,6 % du produit intérieur brut. Ce pourcentage, s’il peut sembler significatif, masque une réalité plus nuancée. Une grande partie de ces transferts, qui ont dépassé les deux milliards de dinars en 2024, est absorbée par la consommation quotidienne, au détriment d’une participation plus active à l’économie structurée. Le gouverneur de la Banque centrale tunisienne, Fethi Zouhaier Nouri, a révélé que le montant moyen envoyé chaque mois par Tunisien résidant à l’étranger atteint environ 120 dollars, bien en deçà des 200 dollars enregistrés à l’échelle mondiale. Ce différentiel illustre un potentiel sous-exploité, dans un contexte où la diaspora tunisienne reste pourtant nombreuse et attachée à ses racines.

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Près de la moitié des Tunisiens vivant hors du pays possèdent un bien immobilier en Tunisie, mais cette forme d’investissement reste souvent passive, orientée vers le patrimoine familial ou la retraite. Leur implication dans les secteurs de production, l’innovation ou les industries locales demeure marginale. Une situation que les autorités tunisiennes souhaitent faire évoluer, conscientes que ces transferts pourraient jouer un rôle plus structurant dans l’économie du pays.

Une contribution essentielle mais déséquilibrée

En dépit de leurs limites, les envois de fonds ont permis de soulager certains déséquilibres macroéconomiques. D’après les données partagées lors d’un atelier international à Tunis, ils couvrent actuellement entre 1,3 et 1,4 % du service de la dette extérieure tunisienne. Mieux encore, ils représentent près de 30 % des réserves nationales en devises. Ce soutien indirect à la stabilité financière du pays ne saurait toutefois masquer le manque d’ancrage de la diaspora dans les politiques de développement.

La répartition actuelle des flux pose question : pourquoi une communauté aussi nombreuse et souvent diplômée ne participe-t-elle pas davantage à la dynamique économique nationale ? Les freins sont multiples : absence d’incitations, manque de dispositifs adaptés, difficulté à identifier les projets porteurs ou méfiance à l’égard de l’environnement institutionnel local. D’autres pays, confrontés à des défis similaires, ont mis en place des fonds de co-investissement, des guichets uniques ou encore des plateformes de dialogue pour structurer l’apport des expatriés. La Tunisie, quant à elle, semble encore chercher la formule adéquate.

Miser sur l’engagement productif de la diaspora

Lors de la rencontre organisée par le ministère des Affaires étrangères et l’Organisation internationale pour les migrations, Fethi Zouhaier Nouri a souligné l’importance de mobiliser ce levier de financement alternatif. L’idée est de transformer une aide essentiellement familiale en moteur de croissance durable. Plusieurs pistes ont été évoquées : renforcer les liens entre les institutions financières et les communautés à l’étranger, créer des mécanismes transparents de placement ou faciliter l’accès des Tunisiens de la diaspora à l’investissement dans les secteurs porteurs du pays.

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Le potentiel existe, mais il reste largement inexploré. Alors que d’autres États africains parviennent à canaliser les ressources de leurs diasporas dans des projets à forte valeur ajoutée, la Tunisie doit encore franchir plusieurs étapes. Miser sur une diaspora active, formée, et désireuse de contribuer à l’avenir économique de son pays d’origine pourrait non seulement renforcer la résilience du pays, mais également encourager une nouvelle forme de partenariat entre l’État et ses ressortissants à l’étranger.

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