Le souvenir de l’effondrement de l’immeuble de Khar Yalla, en janvier 2024, reste encore vif dans les esprits. Cinq morts, douze blessés, et un constat glaçant : des travaux de réhabilitation confiés à des ouvriers sans formation adéquate avaient fragilisé le bâtiment jusqu’à sa chute. Plus d’un an plus tard, un nouvel effondrement à Ngor vient raviver les inquiétudes sur la sécurité des constructions à Dakar, avec des conséquences humaines douloureuses et des responsabilités désormais clairement ciblées.
Cette fois-ci, la justice avance rapidement. Trois individus, dont l’entrepreneur chargé du chantier et les opérateurs de l’engin d’excavation impliqué, ont été placés en détention provisoire selon le journal Libération. Les chefs d’inculpation sont graves : homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui. Dans les décombres, un survivant a décidé de porter plainte, appelant à faire la lumière complète sur les défaillances qui ont mené à la tragédie. Cette prise de parole publique illustre une volonté croissante des victimes de ne plus se contenter du silence ou de la résignation.
Une réponse gouvernementale attendue sur le terrain
Face à la répétition de ces incidents mortels, les autorités centrales ne veulent plus laisser place à l’improvisation. Le président de la République a exigé en Conseil des Ministres des mesures concrètes : application rigoureuse du Code de la construction, campagne nationale de sensibilisation à destination des citoyens, mais aussi collaboration étroite avec les maires et les services de protection civile. L’objectif : mieux encadrer les projets immobiliers et détecter en amont les risques liés à la négligence ou aux pratiques frauduleuses.
Cette volonté politique trouve un appui technique dans le Laboratoire national de Référence des Bâtiments et Travaux publics (LNR-BTP), créé par une loi en 2023. Son renforcement opérationnel a été rappelé comme une priorité. Ce laboratoire a pour mission de certifier la qualité des matériaux, vérifier les plans techniques et alerter sur les fragilités structurelles avant qu’elles ne deviennent fatales. Il pourrait jouer un rôle central dans la prévention, à condition d’être doté des ressources humaines et logistiques nécessaires.
Urbanisation rapide, encadrement défaillant
Derrière ces effondrements se cache une réalité urbaine plus complexe. Dakar connaît une croissance démographique forte, qui alimente une demande accrue en logements. Des entrepreneurs sans scrupules profitent de ce contexte pour construire vite, parfois au mépris des normes. Le phénomène s’est accentué dans les quartiers périphériques où le contrôle est plus lâche et les moyens municipaux limités. En l’absence de suivi rigoureux, certaines zones deviennent des pièges potentiels pour leurs habitants.
Le passage d’une réaction ponctuelle à une politique structurelle de sécurité urbaine apparaît désormais indispensable. Chaque immeuble qui s’effondre n’est pas seulement une défaillance technique : c’est l’aboutissement d’un enchaînement de laxisme, d’opacité et d’absence de contrôle. Si la justice commence à sanctionner, si l’État redonne du poids à l’expertise et à la prévention, c’est qu’il y a urgence à restaurer la confiance dans le tissu urbain. À défaut, la verticalité croissante des villes sénégalaises pourrait continuer à être rattrapée par ses propres fondations fragiles.
Laisser un commentaire