Au début de son mandat, Donald Trump avait bouleversé les équilibres commerciaux mondiaux en imposant une série de droits de douane agressifs, y compris à ses partenaires les plus proches. Le Canada, l’Europe et le Mexique n’avaient pas été épargnés, malgré des décennies d’alliances économiques. En taxant l’acier, l’aluminium ou les produits automobiles, Trump entendait relocaliser la production et forcer des renégociations d’accords commerciaux jugés défavorables aux États-Unis. Cette stratégie a semé la méfiance, même parmi les alliés historiques de Washington, et continue de produire ses effets aujourd’hui, bien au-delà du domaine industriel.
Un gel brutal des aides qui redessine les règles du jeu
Le coup est parti de manière abrupte : les subventions gouvernementales destinées à Tesla au Canada ont été suspendues sans préavis, totalisant plus de 43 millions de dollars de fonds gelés. Ottawa s’est appuyé sur une série d’anomalies repérées en janvier, lorsqu’un volume inhabituel de demandes de remboursement avait été enregistré sur un laps de temps très court. Le modèle Y, repositionné juste sous le plafond requis pour obtenir les aides, aurait généré à lui seul des milliers de ventes concentrées sur quelques points de distribution. L’ampleur de cette manœuvre, à peine croyable dans ses proportions, a rapidement soulevé des doutes sur la sincérité des opérations de vente.
À Québec, un seul site aurait revendiqué 20 millions de dollars d’aides en deux jours. Ce chiffre équivaut à des ventes toutes les 30 secondes, une cadence difficilement soutenable même pour une entreprise dotée d’une logistique performante. Résultat : le gouvernement a décidé de tout passer au peigne fin, cas par cas. Cette suspension n’a pas seulement touché Tesla : des concurrents comme Ford, ainsi que des concessionnaires indépendants, se retrouvent également pénalisés, avec des créances non honorées et un manque de visibilité sur la suite.
Ottawa affirme son autorité commerciale
Loin de se limiter à une simple procédure de contrôle, la décision canadienne est aussi un signal politique. La ministre des Transports, Chrystia Freeland, a directement lié cette exclusion aux politiques protectionnistes américaines, estimant que les taxes imposées par Washington sur les produits canadiens faussent les règles du commerce. Le message est clair : le Canada entend défendre sa capacité à décider des conditions d’attribution de ses incitations sans se laisser dicter les termes par des entreprises bénéficiant des déséquilibres tarifaires entre les deux pays.
En ciblant un acteur majeur de la mobilité électrique, Ottawa cherche à rééquilibrer les rapports de force économiques. Les mesures prises ne visent pas uniquement les résultats de Tesla mais aussi la méthode employée : un usage des règlements qui, bien que techniquement légal, pose question sur le fond. Cette mise en pause des soutiens publics sert donc aussi d’avertissement à toute entreprise tentée d’exploiter les zones grises des dispositifs fiscaux et environnementaux.
Musk face à une réalité nord-américaine fragmentée
Pour Elon Musk, cet épisode pourrait freiner les ambitions de Tesla au Canada, un marché jusqu’ici favorable à l’expansion des véhicules électriques. L’exclusion des programmes fédéraux et provinciaux rend l’offre de Tesla moins compétitive face à des marques locales ou asiatiques qui continuent, elles, de bénéficier de subventions. À plus long terme, cette situation pourrait contraindre Musk à revoir sa stratégie d’implantation sur le territoire canadien, voire à accélérer des investissements dans des marchés moins sensibles aux arbitrages politiques. Par ailleurs, ce contentieux survient alors que Musk concentre ses efforts sur ses autres entreprises, ce qui pourrait affaiblir sa capacité à répondre rapidement à des mesures réglementaires changeantes. Le Canada, en adoptant une position ferme, rappelle ainsi que même les figures les plus emblématiques de la tech ne sont pas à l’abri d’un changement brutal de cap.
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