Maghreb : ce pays a provoqué artificiellement des pluies pour la première fois

Faire tomber la pluie sur commande n’est plus de l’ordre de la science-fiction. Le principe de l’ensemencement des nuages repose sur une méthode bien établie : il s’agit de disperser dans l’atmosphère, à l’intérieur de nuages porteurs, des particules (comme l’iodure d’argent) capables de favoriser la condensation de la vapeur d’eau. Cette technique, déjà utilisée depuis plusieurs décennies dans certains pays pour combattre la sécheresse ou optimiser les réserves hydriques, exige des conditions atmosphériques précises et une coordination logistique minutieuse. Elle offre toutefois une alternative jugée prometteuse face aux stress hydriques croissants provoqués par le changement climatique, notamment dans les zones arides ou semi-arides.

Une première tunisienne dans le ciel du barrage de Sidi Salem

C’est dans ce contexte que la Tunisie a franchi un cap symbolique le 16 avril dernier. Survolant le bassin du barrage de Sidi Salem, une opération d’ensemencement des nuages a été menée avec succès, marquant la première utilisation de cette technique dans le pays. Cette initiative a mobilisé plusieurs institutions nationales, dont les ministères de la Défense et du Transport, en étroite coordination avec celui de l’Agriculture. Fait notable, l’ensemble du dispositif a été conçu et exécuté par des équipes tunisiennes, depuis la planification scientifique jusqu’au pilotage des interventions aériennes.

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L’objectif immédiat de cette intervention était de tester la faisabilité de la méthode dans un environnement tunisien et d’évaluer son efficacité dans la reconstitution des réserves hydriques. Le site choisi, le barrage de Sidi Salem, revêt une importance stratégique pour l’approvisionnement en eau du nord du pays, ce qui explique son rôle pilote dans cette expérimentation. Selon les autorités, les résultats ont été jugés suffisamment encourageants pour envisager de nouvelles campagnes dans d’autres régions agricoles.

Vers une agriculture plus résiliente face à la sécheresse

L’annonce de cette opération s’est déroulée à l’occasion de la Journée nationale de l’Agriculture, célébrée sous le slogan « Vers une agriculture intelligente pour une souveraineté alimentaire ». Ce calendrier souligne une volonté d’inscrire l’innovation climatique au cœur des priorités nationales. Le recours à l’ensemencement des nuages s’ajoute à d’autres efforts technologiques, tels que l’introduction de systèmes d’irrigation plus économes ou le suivi numérique des données météorologiques pour optimiser les rendements.

Face à une pression hydrique croissante et à des épisodes de sécheresse récurrents, la Tunisie cherche ainsi à adapter son modèle agricole. Cette première tentative d’intervention sur les phénomènes météorologiques marque une évolution dans les stratégies de résilience, avec la recherche d’outils capables de garantir un minimum de stabilité aux zones les plus exposées.

Des précédents qui invitent à la prudence

Si l’expérience tunisienne ouvre des perspectives, elle rappelle aussi des précédents qui ont suscité des débats. Aux Émirats arabes unis, par exemple, l’ensemencement des nuages a été utilisé à grande échelle, mais il a parfois entraîné des pluies intenses et soudaines, provoquant des inondations dans des zones urbaines. En Arabie saoudite et en Iran, des épisodes similaires ont été observés, mettant en évidence les limites du contrôle météorologique et les effets secondaires possibles sur les sols, les écosystèmes ou les infrastructures. Ces cas illustrent les risques d’un usage non maîtrisé de la technologie et soulignent l’importance d’évaluations rigoureuses avant tout déploiement à grande échelle. Pour la Tunisie, cette première tentative reste donc autant un test d’efficacité qu’un point de départ vers une réflexion approfondie sur l’équilibre entre innovation et impact environnemental.

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