Depuis plusieurs années, les ressortissants africains en situation irrégulière en France, évoluent dans une réalité marquée par l’instabilité administrative, l’angoisse permanente d’un contrôle et une insertion laborieuse dans le tissu économique. Malgré leur contribution essentielle à des secteurs sous tension — comme le bâtiment, la restauration ou le nettoyage — ces travailleurs se heurtent à un parcours administratif semé d’obstacles, où la régularisation tient plus du parcours du combattant que d’un droit reconnu.
Parmi les maghrébins, les Algériens représentent une part significative. Leur présence est souvent le fruit d’un enracinement ancien, prolongé par des liens familiaux, professionnels ou sociaux. Pourtant, cette continuité est aujourd’hui fragilisée par une décision du ministère de l’Intérieur qui remet en cause un dispositif ayant permis pendant seize ans une certaine forme de régulation collective.
Un accompagnement collectif démantelé
Jusqu’à récemment, les sans-papiers algériens bénéficiaient d’une médiation assurée par la CGT des travailleurs sans-papiers, qui agissait comme relais entre eux et les services de la préfecture de l’Isère. Cette organisation facilitait les démarches de régularisation, en centralisant les dossiers et en garantissant un dialogue relativement stable avec l’administration. Ce rôle d’intermédiaire, reconnu de manière informelle, permettait d’absorber une partie de la complexité bureaucratique et de limiter les risques d’erreurs ou de traitements inéquitables.
Ce cadre vient d’être brusquement interrompu. Désormais, chaque demande devra être déposée individuellement au guichet unique de la préfecture de Grenoble, sans appui syndical ou collectif. Cette réorientation, annoncée par le secrétaire général de la préfecture en avril dernier, marque une rupture nette. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau met ainsi fin à une pratique institutionnalisée localement, justifiant ce changement par une volonté de “simplification” et de “normalisation” des procédures. Mais pour les premiers concernés, cette logique se traduit par une précarisation accrue.
Des répercussions au-delà de l’Isère
La CGT redoute que cette décision ne fasse figure de modèle et se généralise à d’autres départements. En effet, si le dispositif supprimé concernait principalement les Algériens de l’Isère, sa portée allait bien au-delà, tant il structurait une dynamique d’accompagnement reprise ailleurs. En affaiblissant cette forme d’organisation solidaire, l’État réintroduit un isolement administratif qui risque d’aggraver la vulnérabilité de milliers de personnes.
Ce retour à des démarches purement individuelles, sans médiation, expose les travailleurs sans-papiers à un labyrinthe administratif où la moindre erreur peut coûter cher. L’absence de soutien syndical risque aussi de décourager certains de déposer une demande, par peur ou par méconnaissance des procédures. Et tandis que la régularisation devient plus difficile, leur présence sur le marché du travail reste, elle, toujours plus sollicitée.
Cette dissonance illustre une tension profonde : d’un côté, la réalité économique française continue de dépendre de cette main-d’œuvre souvent invisible ; de l’autre, l’institution administrative semble refermer les portes d’une reconnaissance légale. Pour les sans-papiers algériens, et plus largement pour une partie des migrants africains, ce durcissement symbolise un effacement progressif des formes de solidarité et de médiation, au profit d’une gestion plus rigide et individualisée de leur situation.
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