Au moment où le Sénégal multiplie ses levées de fonds sur les marchés régionaux, atteignant plus de 700 milliards de francs CFA entre mars 2024 et mai 2025, une absence pèse toujours sur le plan financier : celle du soutien du Fonds monétaire international. Depuis un an, aucun décaissement n’a été effectué par l’institution de Bretton Woods, laissant place à une période de flottement dans les relations entre le pays et ses partenaires multilatéraux. Pourtant, les autorités sénégalaises affirment continuer à tenir le cap, malgré l’absence de ces ressources extérieures.
Un financement à l’arrêt et des choix assumés
Le gel du programme avec le FMI n’est pas le fruit d’un défaut technique ou d’une mauvaise gestion des finances publiques. Le Premier ministre Ousmane Sonko évoque une rupture liée à des choix souverains du pays, jugés peu conciliables avec certaines logiques de coopération. Il estime que cette suspension s’apparente à une réaction systémique observée lorsqu’un État africain revendique une autonomie affirmée dans ses orientations économiques. Pour lui, le Sénégal paie aujourd’hui le prix d’avoir voulu mener sa barque sans s’aligner automatiquement sur les prescriptions habituelles.
Ce blocage, loin de provoquer un effondrement, semble avoir poussé le gouvernement à diversifier ses sources de financement. À travers des opérations successives sur les marchés monétaires de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, l’État est parvenu à mobiliser plusieurs centaines de milliards de francs CFA. Ces montants permettent de soutenir les investissements prioritaires tout en réduisant la dépendance à l’égard des bailleurs traditionnels.
Résilience financière et affirmation politique
Dans le climat actuel, où chaque décision économique est aussi un message diplomatique, la posture sénégalaise marque une volonté claire de rompre avec les dépendances passées. Malgré le gel des financements, les projets structurants n’ont pas été stoppés. Le pays montre qu’il peut compter sur la confiance des investisseurs régionaux, sensibles à la stabilité politique récemment renforcée et aux perspectives de croissance.
Mais cette stratégie de contournement a ses limites. Si les marchés monétaires peuvent combler une partie du vide, ils ne remplacent pas entièrement l’appui technique, les garanties institutionnelles et les taux préférentiels que peut offrir un programme avec le FMI. À moyen terme, l’absence d’un cadre de dialogue formel avec cette institution peut compliquer la notation du pays, la prévisibilité budgétaire et la capacité à mobiliser des financements extérieurs à grande échelle.
Entre tensions et équilibres à trouver
La situation actuelle repose donc sur un fil : maintenir l’équilibre entre l’autonomie politique et la soutenabilité économique. Le gouvernement sénégalais fait le pari que sa nouvelle orientation sera comprise, voire soutenue, par une partie croissante de ses partenaires et des acteurs économiques africains. Mais il lui faudra également convaincre qu’il est capable d’assurer la rigueur budgétaire, la transparence et la stabilité, en dehors du giron des grandes institutions financières internationales.
Ce gel du FMI agit comme un révélateur. Il illustre le choc de deux visions : celle d’une gestion souveraine portée par le pouvoir actuel, et celle des standards internationaux qui, souvent, laissent peu de place aux chemins alternatifs. Reste à savoir si le Sénégal réussira à bâtir une voie originale sans compromettre sa solidité macroéconomique. Pour l’instant, le pays tient bon. Mais la suite exigera autant de stratégie que de diplomatie.
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