Le Sahara, ce nom évoque depuis toujours un univers rude, où le sable règne sans partage et où l’homme n’a guère d’emprise sur la nature. Pourtant, à des centaines de kilomètres des zones agricoles traditionnelles, le sud algérien vit une transformation discrète mais spectaculaire. Des étendues que l’on croyait condamnées à l’hostilité du climat sont aujourd’hui les témoins d’un réveil agricole. Ce n’est plus de la science-fiction : dans des régions comme Touggourt, Saïda, les cultures céréalières défient les lois de la géographie. Et si le Sahara devenait l’un des bastions de la sécurité alimentaire du Maghreb ?
Rendements record au cœur de la chaleur
À Touggourt, dans une zone frappée par des températures extrêmes, l’agriculture a pris une tournure inattendue. Grâce à des techniques d’irrigation modernes, notamment le goutte-à-goutte maîtrisé, les cultures telles que l’orge et de blé atteignent des rendements dépassant les 60 quintaux par hectare. C’est ce qu’a rapporté Mohamed Amine Bouhouhou, directeur de l’agriculture de la wilaya, à la chaîne publique. Un chiffre intéressant, bien supérieur aux prévisions de départ (45 à 55 q/ha). Sur une surface de 4 000 hectares, ces résultats confirment que la performance agricole ne dépend plus uniquement de la fertilité naturelle du sol, mais de l’ingéniosité humaine.
Derrière cette réussite se trouve une coordination exemplaire entre acteurs publics et privés. La société A3, moteur du projet, a conduit une préparation technique approfondie avant de se lancer, tandis que Sonatrach, géant énergétique national, apporte son soutien à travers sa filiale agroalimentaire. Présente dans plusieurs wilayas du sud, cette dernière s’emploie à développer les cultures dites stratégiques, dont les céréales font désormais partie. Ces résultats sont le fruit d’un investissement méthodique, mais surtout d’une vision à long terme.
Un pari étatique sur la souveraineté céréalière
Conscient du potentiel désormais révélé de ces terres, le ministre de l’Agriculture, Youcef Cherfa, a mobilisé d’importants moyens pour la campagne de moisson-battage. L’objectif est d’éviter toute rupture dans la chaîne logistique : collecte, transport, stockage… chaque étape est pensée pour accompagner la montée en puissance de cette nouvelle agriculture saharienne. Le ministre a d’ores et déjà instruit ses équipes pour garantir l’efficacité du dispositif.
Derrière cette opération, c’est une réponse directe à la dépendance aux importations céréalières qui se dessine. L’Algérie, comme d’autres pays du Maghreb, subit les hausses des prix mondiaux et les incertitudes liées aux marchés internationaux. En misant sur ses propres ressources, même dans les zones les plus improbables, le pays construit une alternative crédible, et plus encore : il affirme sa volonté de maîtriser son destin alimentaire.
Le Sahara, laboratoire de l’avenir agricole
Ce qui se joue dans les sables du Sahara dépasse largement le cadre d’un projet local. C’est un modèle en gestation. Là où l’on ne voyait que des mirages, c’est une nouvelle carte agricole qui se dessine, réinventant la relation entre l’homme et son environnement. Si des rendements aussi élevés sont possibles dans un tel contexte, cela ouvre des perspectives immenses, notamment pour les pays confrontés à l’aridité ou au manque de terres fertiles.
Il ne s’agit pas de copier un modèle importé, mais de développer une agriculture adaptée, résiliente et technologique, ancrée dans les réalités locales. Et ce que révèle l’expérience de Touggourt, c’est qu’un désert peut devenir fertile, non par magie, mais par stratégie, volonté et persévérance.
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