La crise diplomatique qui oppose l’Algérie au Mali, au Niger et au Burkina Faso depuis le début de l’année ne cesse de s’aggraver. Ce qui n’était au départ qu’un accrochage frontalier — la destruction d’un drone malien par l’armée algérienne — s’est rapidement transformé en rupture ouverte. En réaction, les trois pays sahéliens, unis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont fermé leurs espaces aériens à l’Algérie et rappelé leurs ambassadeurs. Alger, isolée, semble avoir opté pour une réponse indirecte, en s’en prenant à ceux qui incarnent, à ses yeux, la présence visible et vulnérable de ses adversaires sur son territoire : les migrants d’origine subsaharienne. Ces exilés, souvent venus du Mali ou du Niger, deviennent alors les cibles silencieuses d’une politique de représailles menée à l’abri des regards.
Des migrants pris dans l’engrenage de la répression
Sous l’effet de cette revanche politique, les renvois forcés vers les régions désertiques du sud algérien se multiplient, selon plusieurs observateurs. Lors de la 59e session du Conseil des droits de l’homme à Genève qui se tient jusqu’au 9 juillet, l’Algérie a été vivement critiquée pour sa gestion brutale des migrants d’Afrique subsaharienne. Lors d’un échange avec Gehad Madi, Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des migrants, des délégations ont mis en lumière des pratiques jugées inacceptables : arrestations massives sans procédure, transports forcés vers des zones inhabitées, et abandon de groupes entiers dans le Sahara, livrés à eux-mêmes.
La porte-parole du Réseau de Formation, de Recherche et d’Action sur les Migrations Africaines a dénoncé une politique de refoulement ciblée, motivée par des considérations géopolitiques. Elle affirme que depuis 2024, le nombre d’expulsions s’est intensifié, en particulier à l’encontre de personnes venant précisément des pays avec lesquels l’Algérie est en conflit. Ce choix ne relève pas d’un simple contrôle migratoire, mais d’un message politique adressé à ses voisins sahéliens.
Abandonnés au désert, livrés aux prédateurs
Ces pratiques, qui s’apparentent à une vengeance par procuration, ont des conséquences humanitaires dramatiques. Les migrants abandonnés en plein désert deviennent la proie de trafiquants d’êtres humains, actifs dans ces zones dépourvues de présence étatique. Femmes et enfants disparaissent sans laisser de traces, tandis que les réseaux criminels renforcent leur emprise sur des populations totalement démunies. Le réseau alerte sur le risque de normalisation de ces disparitions et appelle à la mise en place urgente de mécanismes de recherche et de protection.
Face à cela, les Nations unies exhortent à dépasser les querelles politiques pour établir une coopération régionale en matière de migration. L’Algérie, semble utiliser la migration comme levier de pression sur ses anciens partenaires, en choisissant une cible qui ne peut pas se défendre : les migrants sans papiers, devenus otages d’un bras de fer diplomatique.
À travers ces expulsions ciblées, Alger ne cherche pas seulement à contrôler son territoire : elle tente d’imposer une riposte à peine voilée à l’humiliation politique subie face à l’AES. Dans cette lutte d’influence, ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui servent de monnaie d’échange. Les dénonciations entendues à Genève rappellent l’urgence de replacer la dignité humaine au cœur des relations régionales.
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