Depuis la fin des années 1970, le Maghreb vit sous la tension persistante d’un conflit non résolu : celui du Sahara occidental. Le Maroc, qui considère ce territoire comme partie intégrante de son territoire, s’oppose frontalement au Front Polisario, un mouvement soutenu et armé par l’Algérie, qui réclame son indépendance. Cette rivalité empoisonne les relations régionales et a transformé le Sahara en un échiquier géopolitique où chaque action, même locale, prend une signification bien plus large. Le plus souvent, la Mauritanie s’est tenue à distance de cette querelle, privilégiant une forme d’équilibre entre ses deux voisins. Mais les événements récents montrent que cette position est en train d’évoluer.
Une zone fermée, une dynamique débloquée
Le 22 mai 2025, un tournant inattendu a été pris : l’armée mauritanienne a classé la région de Lebriga, aux confins de sa frontière avec l’Algérie, comme zone militaire interdite aux civils. Officiellement, il s’agit d’une mesure de sécurité, après plusieurs arrestations de trafiquants opérant dans cette zone, souvent originaires des camps de Tindouf. Officieusement, c’est une fermeture de robinet : celui d’un système de contrebande ancien, implanté dans les marges désertiques, qui permettait à des groupes affiliés au Polisario de financer leurs activités. Pour certains observateurs, c’est un peu comme si la Mauritanie avait décidé de sceller une brèche qui profitait à une cause devenue de plus en plus embarrassante.
Lebriga n’est pas n’importe quelle portion de désert. Située à un carrefour discret mais stratégique, elle servait d’interface logistique pour des échanges illégaux dont les flux échappaient au contrôle de Nouakchott. En y mettant fin, les autorités mauritaniennes ne font pas seulement acte d’autorité intérieure : elles coupent aussi un relais qui permettait indirectement au Polisario de rester présent dans le jeu. Loin d’un simple geste technique, cette décision redessine les lignes de tension dans cette portion du Maghreb.
Vers un réalignement discret ?
Ce coup de frein mauritanien au trafic en provenance des camps de Tindouf ressemble fort à un geste de bonne volonté envers le Maroc, sans être ouvertement formulé comme tel. Ce n’est ni une alliance ni une rupture, mais une action concrète qui, dans les faits, affaiblit les relais logistiques du Polisario, et par ricochet, gêne l’Algérie. Pour Rabat, c’est un signal positif, même s’il est exprimé en langage militaire plutôt qu’en discours diplomatique.
Ce type de décision renforce l’idée que le soutien régional au Polisario s’effrite, non pas par adhésion idéologique au projet marocain, mais par désengagement progressif face à un conflit figé, devenu coûteux et sans issue visible. En refermant Lebriga, la Mauritanie montre qu’elle choisit désormais le pragmatisme, la stabilité, et un certain recentrage sur ses propres priorités sécuritaires. Pour le Maroc, cela revient à voir tomber une à une des pièces longtemps utilisées contre lui dans ce vieux jeu d’échecs saharien.
Il n’aura fallu qu’un communiqué militaire pour que les équilibres dans le Maghreb connaissent un frémissement. Derrière cette décision de fermeture de zone, la Mauritanie envoie un message clair : elle refuse désormais d’être un maillon faible dans une chaîne de contrebande qui profitait à un acteur régional contesté. Une posture qui, sans grandes proclamations, s’ajoute à une série d’évolutions discrètes, mais favorables à la position marocaine.
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