Khaby Lame, connu dans le monde entier pour ses vidéos muettes où il démonte avec humour les absurdités du quotidien, a récemment vécu une expérience bien éloignée de son univers numérique. De passage aux États-Unis, le tiktokeur a été brièvement retenu par les services de l’immigration américaine pour avoir dépassé la durée légale de séjour prévue par le programme d’exemption de visa. Si l’incident n’a duré que quelques heures, il a suffi à faire les gros titres et à raviver certains débats, surtout après qu’une figure d’extrême droite américaine a revendiqué en ligne être à l’origine de cette interpellation.
Installé en Italie depuis l’enfance et devenu officiellement italien en 2022, Khaby Lame a toujours affirmé avec fierté son double ancrage : européen par sa trajectoire administrative, sénégalais par ses origines et ses racines culturelles. Ce lien fort avec le Sénégal, souvent mis en avant dans ses prises de parole et ses apparitions publiques, lui a valu une immense popularité au sein de la diaspora africaine, qui voit en lui une figure de réussite hors des sentiers classiques.
Un visa, une faille, un symbole
L’incident s’explique par une erreur administrative que des millions de voyageurs font chaque année : un dépassement de séjour au sein du régime d’exemption de visa accordé aux ressortissants européens. Aucun crime, aucune infraction pénale, simplement un excès de présence sur le territoire américain au-delà des 90 jours autorisés. L’agence ICE a d’ailleurs confirmé qu’il ne s’agissait ni d’une arrestation judiciaire ni d’une mesure punitive, mais d’une procédure administrative classique. Khaby a quitté les États-Unis volontairement après cette brève rétention, sans que la justice n’ait à intervenir.
Ce qui a mis de l’huile sur le feu, c’est la politisation immédiate de l’événement. Un militant américain de l’extrême droite a publiquement affirmé sur les réseaux sociaux avoir « signalé » l’influenceur comme étant un immigré clandestin. Une initiative qui, bien qu’infondée, a suffi à provoquer une tempête numérique, révélant les lignes de tension autour de la question migratoire, même lorsqu’il s’agit de personnalités mondialement reconnues. Ce traitement, injustement spectaculaire au regard de la situation réelle, rappelle combien la célébrité ne protège pas toujours des mécanismes de suspicion qui frappent les corps non blancs dans certaines sphères de pouvoir ou de contrôle.
Influence globale, vulnérabilité persistante
Avec plus de 160 millions d’abonnés sur TikTok et une présence gigantesque sur Instagram, Khaby Lame incarne un phénomène digital unique : celui d’un jeune homme d’origine modeste, parti de zéro, devenu l’un des visages les plus reconnaissables d’Internet. Mais même cet immense capital de notoriété n’a pas suffi à lui éviter la mécanique froide de l’administration migratoire. L’épisode illustre un paradoxe troublant : à l’heure où les influenceurs dépassent souvent en pouvoir de persuasion les chefs d’État ou les stars traditionnelles, ils restent exposés aux règles et aux discriminations ordinaires des sociétés qu’ils traversent.
Ce fait divers, aussi bref soit-il, interroge aussi les imaginaires que nous projetons sur les figures publiques issues de la migration. L’histoire de Khaby, souvent racontée comme un conte de fées moderne, trouve ici une parenthèse amère. Elle rappelle que derrière les écrans et les millions de vues, il y a encore des réalités bien matérielles, des frontières, des statuts juridiques, des formulaires et parfois des malentendus qui prennent des proportions disproportionnées.
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