Sénégal : Les médecins spécialistes continuent leur grève

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Le bras de fer engagé entre les médecins en spécialisation et les autorités sanitaires entre dans une phase critique. Depuis le 30 mai, le Collectif des Médecins, Pharmaciens et Chirurgiens-Dentistes en Spécialisation a cessé d’assurer les gardes dans les structures hospitalières publiques. Contrairement aux précédents mouvements où un service minimum était maintenu, cette fois, même les urgences ne sont plus couvertes. Un signal fort qui témoigne d’un épuisement face à ce que les grévistes perçoivent comme un mépris institutionnel prolongé.

Leur quotidien est marqué par une précarité persistante : bourses instables, absence de sécurité sociale, congés maternité inadaptés, rémunérations jugées indignes des responsabilités exercées. Ces praticiens, pourtant en première ligne dans les hôpitaux universitaires, assurent la majorité des soins dans les grands centres urbains. Privés de statut clair, ils vivent une contradiction insoutenable entre leur rôle crucial et leur invisibilité administrative.

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Une réunion sabotée par les absences politiques

La semaine dernière devait marquer un tournant. Une rencontre avait été convoquée pour tenter de désamorcer la crise. Mais l’absence simultanée du ministre de la Santé, du doyen de la Faculté de médecine et du représentant du ministère de l’Enseignement supérieur a laissé les délégués du collectif seuls face au vide. Ce non-rendez-vous a été vécu comme une provocation de trop. En réponse, un nouveau mot d’ordre de grève a été lancé le 10 juin, cette fois pour 120 heures renouvelables, avec un ton encore plus ferme.

Le silence des autorités aggrave le ressentiment. Car derrière les revendications techniques se cache une demande plus profonde : celle d’être considérés comme des professionnels à part entière, et non comme des étudiants perpétuels. Le statut de « médecin en spécialisation » peine à exister juridiquement, laissant ces praticiens dans une zone grise, sans protection sociale complète, sans reconnaissance salariale, et avec une charge de travail équivalente à celle de médecins diplômés.

Le coût humain d’un conflit qui s’enlise

Les conséquences de cette paralysie sont immédiates. De nombreux hôpitaux voient leur organisation chamboulée. Les internes et médecins généralistes peinent à combler les absences. Les patients, déjà confrontés à des délais d’attente longs, doivent composer avec des reports d’opérations, des consultations annulées, voire l’impossibilité d’accéder à certains soins spécialisés.

Au-delà de la tension entre grévistes et administration, c’est la question du modèle de formation médicale au Sénégal qui se pose. Peut-on continuer à former une élite médicale nationale dans des conditions aussi dégradées ? Le paradoxe est cruel : le pays exporte régulièrement ses médecins vers l’Europe, tout en échouant à garantir à ses futurs spécialistes les conditions minimales de travail.

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Alors que la grève se prolonge, l’inertie des ministères concernés devient un risque sanitaire. L’urgence n’est plus seulement médicale, elle est politique. Il ne s’agit plus d’un simple conflit corporatiste, mais d’un malaise structurel qui touche le cœur même du système de santé. Et tant que ce cœur battra à vide, aucune réforme ne pourra lui redonner souffle.

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