Ce vendredi soir, le Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose accueille une voix singulière du continent : Mamane. Connu pour son humour mordant et engagé, l’humoriste nigérien revient au Sénégal avec un spectacle aussi grinçant que salutaire : “Histoire pas drôle d’Afrique”. Dans une capitale secouée par des débats profonds sur la mémoire, les responsabilités et l’avenir, la scène dakaroise devient le théâtre d’un récit qui dérange autant qu’il éclaire.
Mamane ne cherche pas à faire rire pour distraire. Il préfère faire rire pour réveiller. Pour lui, l’humour n’est pas un refuge, mais un miroir. Invité cette semaine sur la matinale Salam Sénégal de la RTS1, il a rappelé que l’Afrique ne peut se permettre d’oublier, ni de se raconter à travers les mots des autres. Loin des blagues légères, il convoque Berlin, Senghor, Sankara et les non-dits de l’histoire post-coloniale, dans un fil narratif conçu comme un diagnostic lucide du malaise africain.
Une scène pour dire ce que les livres taisent
“Histoire pas drôle d’Afrique” n’est pas un one-man show classique. C’est une tribune, presque une conférence, servie avec l’élégance du comédien mais la rigueur de l’analyste. Mamane y déplie les héritages empoisonnés, de la Conférence de Berlin aux accords post-indépendance, en passant par les paradoxes contemporains de la gouvernance africaine. Il ne s’agit pas de condamner, mais de comprendre.
Le choix du Grand Théâtre pour cette représentation n’est pas anodin. En plein cœur de Dakar, ce lieu symbolique permet d’offrir à cette parole une portée nationale. Dans un pays où la jeunesse manifeste un appétit croissant pour des discours critiques mais constructifs, Mamane semble avoir trouvé un public prêt à rire… et à réfléchir.
Un art engagé, une parole structurante
À travers son parcours, Mamane défend une vision du métier d’humoriste qui dépasse le divertissement. Pour lui, le comique est une sentinelle : il observe, dénonce, révèle. C’est dans cette posture qu’il entend encourager l’émergence d’une nouvelle génération d’humoristes africains conscients de leur pouvoir de narration. Il plaide d’ailleurs pour la création d’écoles d’humour, de festivals itinérants et de coopérations artistiques entre pays africains pour structurer ce secteur.
Le spectacle présenté à Dakar ce soir poursuit une tournée panafricaine déjà saluée à Libreville, Lagos ou Kinshasa. Il incarne un moment rare où l’art se met au service de la vérité, sans perdre la légèreté nécessaire au rire. Avec Mamane, le continent se raconte autrement : avec audace, profondeur et une pointe d’ironie féroce.
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