Le 1er mai dernier, dans une atmosphère empreinte d’unité institutionnelle, le gouvernement, les centrales syndicales et les représentants du patronat s’engageaient à respecter une trêve sociale de trois ans. Ce pacte, censé ouvrir une période de stabilité, promettait une concertation continue sur les priorités du monde du travail. Pourtant, à peine deux mois plus tard, les débrayages se multiplient dans plusieurs secteurs essentiels, mettant à l’épreuve la solidité de cet engagement tripartite.
Le Front Syndical pour la Défense du Travail et le syndicat SELS avaient déjà fait entendre leurs doutes lors de la signature, dénonçant une approche jugée trop théorique face à des revendications anciennes et urgentes. À leurs yeux, tant que les difficultés concrètes – comme les pensions impayées, les reclassements bloqués ou les conditions de travail dégradées – ne sont pas traitées à la racine, aucune suspension durable des mouvements sociaux ne peut être envisagée sérieusement. Les événements récents semblent leur donner raison.
Justice paralysée, éducation en alerte
Depuis ce lundi, les syndicats du secteur judiciaire – le SYTJUST et l’UNTJ – ont lancé une nouvelle grève de 72 heures. Leur objectif : forcer les ministères de tutelle à rouvrir les discussions sur les revendications statutaires et les conditions de travail. Ils dénoncent l’inaction du ministère de la Justice et celui de la Fonction publique, pointant l’absence de réaction même après une première grève qui avait déjà désorganisé les juridictions la semaine précédente. Audiences suspendues, dossiers en attente, greffes au ralenti : les conséquences sont immédiates pour les usagers et révèlent les limites de la gouvernance sociale actuelle.
En parallèle, l’enseignement supérieur s’apprête à entrer lui aussi en période de turbulence. Le SAES a annoncé un arrêt total des activités académiques du 24 au 26 juin. En cause, le non-versement des pensions de réversion aux ayants droit des enseignants-chercheurs décédés, malgré l’existence d’un décret réglementaire publié en mars dernier. Cette grève, qui touche cours, soutenances et services administratifs, pourrait précéder un boycott des jurys du baccalauréat si la situation reste inchangée. Ces actions successives jettent une ombre sur le calendrier universitaire et la préparation des examens nationaux.
Une méthode de dialogue à réinventer
Les grèves en cascade soulèvent une question centrale : comment rendre effectif un pacte social lorsqu’il se heurte à des blocages techniques et des retards administratifs persistants ? Le sentiment d’inaction gouvernementale alimente la frustration, même parmi ceux qui avaient salué l’initiative du 1er mai. La logique de suspension des conflits ne peut tenir sans mécanismes de suivi efficaces, sans visibilité sur la mise en œuvre des engagements et sans respect des décisions réglementaires prises.
Dans un pays où les cycles de mobilisation syndicale sont souvent longs et enracinés, une trêve n’a de valeur que si elle repose sur des actes concrets. Les grévistes n’invalident pas le principe du pacte social, mais ils en contestent la réalité opérationnelle. Pour éviter une escalade et préserver ce qui avait été présenté comme un tournant historique dans les relations entre l’État et les travailleurs, il faudra sans doute sortir de la gestion silencieuse des crises. La relance d’un dialogue sincère, basé sur des réponses précises et datées, semble désormais incontournable.
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