Sénégal : Une manne qui gonfle les comptes… mais pas encore les foyers

Photo de KWON JUNHO sur Unsplash

Avec une balance des paiements désormais excédentaire, le Sénégal récolte les premiers fruits visibles de son entrée dans le cercle des producteurs d’hydrocarbures. En avril 2025, le pays a exporté quatre cargaisons de pétrole, totalisant 3,8 millions de barils, soit bien plus que les prévisions initiales. Ce volume, combiné aux ventes de gaz, a donné au budget national une marge de manœuvre inédite. Un expert de la Banque mondiale estime d’ailleurs que les recettes issues de cette nouvelle richesse pourraient représenter 1 % du produit intérieur brut du pays, une contribution non négligeable dans un contexte marqué par des besoins urgents de financement.

Mais si les courbes macroéconomiques s’affichent en vert, les effets sur les ménages, eux, tardent à se faire sentir. Le coût du carburant reste élevé, tout comme celui du gaz domestique. Le paradoxe est flagrant : le pays exporte son pétrole, mais continue d’importer une partie importante de ses produits finis. Cette situation soulève des interrogations sur la chaîne de valorisation locale et la capacité du pays à transformer sur place ses ressources.

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Une industrialisation en attente de concrétisation

Pour que l’exploitation des hydrocarbures améliore concrètement les conditions de vie des Sénégalais, plusieurs étapes restent à franchir. D’après Sara Konaré, syndicaliste du secteur de l’énergie, la clé réside dans la mise en place d’infrastructures permettant une exploitation directe sur le territoire. Tant que le brut est expédié à l’étranger pour être raffiné, le pays restera dépendant des cours mondiaux, exposé à leur volatilité, et contraint d’importer les produits finis à des prix peu avantageux.

La Société Africaine de Raffinage (SAR) est au centre des espoirs. Dès qu’elle pourra opérer à grande échelle, les coûts à la pompe et les prix du gaz domestique pourraient commencer à baisser. Mais cette perspective n’est pas immédiate. Les projections tablent sur une baisse progressive dans un horizon de deux à quatre ans, à condition que les investissements nécessaires soient rapidement engagés et que les capacités techniques suivent.

Des attentes fortes et une pression politique croissante

Dans les quartiers populaires comme dans les cercles économiques, les attentes sont fortes. Le discours officiel évoque les retombées à venir, mais le sentiment général reste que les bénéfices se font attendre. Certains syndicats et mouvements sociaux réclament d’ailleurs une meilleure transparence sur la gestion des revenus pétroliers et une répartition plus équitable, avec un accent mis sur les services publics, les subventions énergétiques, et les filets sociaux.

La réussite de la phase actuelle ne dépend donc pas uniquement des volumes extraits ou des recettes engrangées, mais aussi de la capacité du Sénégal à transformer cette richesse brute en progrès visible pour sa population. Car au-delà des barils comptabilisés, c’est bien le prix du gaz dans les foyers, la facture à la station-service ou encore les coûts des transports qui, aux yeux des citoyens, définiront le véritable impact de cette révolution énergétique.

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