Le Mali, déjà secoué par des années d’instabilité, a connu dans la nuit du 1er juillet une offensive coordonnée d’ampleur menée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), organisation affiliée à al-Qaïda. Parmi les cibles, le poste-frontière de Diboli, situé à moins de deux kilomètres de Kidira, principal point d’échange routier entre le Sénégal et le Mali. Ce franchissement n’a rien d’anodin : il constitue une voie stratégique sur l’axe Dakar–Bamako, et son ciblage souligne un changement de posture chez les groupes armés.
Les zones autrefois qualifiées de tampon sont devenues des théâtres opérationnels. Les attaques ne se limitent plus aux bastions connus comme Mopti ou le Gourma. Le JNIM a élargi sa zone de feu en ciblant, ces dernières semaines, des villes comme Kayes, Nioro du Sahel, Niono, Molodo ou encore Sandaré. Ce recentrage vers l’ouest malien redéfinit les équilibres sécuritaires régionaux et place le Sénégal face à un défi inédit. Diboli, que l’on pourrait comparer à une écluse entre deux bassins encore étanches, devient une ligne de faille mouvante où la pression s’accroît.
Le couloir Dakar–Bamako sous tension
Si les projecteurs restent braqués sur les pertes militaires subies au Mali, les conséquences économiques sont tout aussi préoccupantes pour le Sénégal. Le corridor logistique qui relie Dakar à Bamako est vital pour les deux pays. Il constitue un flux constant de marchandises, de carburant, de vivres et de matériaux. Or, toute déstabilisation de Diboli ou de ses environs menace directement ce dispositif. Les transporteurs, déjà confrontés aux tracasseries administratives et aux lenteurs douanières, pourraient devoir faire face à un nouveau risque : l’insécurité.
Au-delà du commerce, c’est également la perception du Sénégal comme îlot de stabilité qui est mise à l’épreuve. Jusqu’à présent relativement épargné par les incursions djihadistes, le pays doit désormais composer avec la proximité immédiate d’un groupe armé en expansion. Le fait que le JNIM ait ciblé simultanément plusieurs positions militaires montre une montée en puissance organisationnelle. Le modus operandi — attaques coordonnées, objectifs symboliques, communication revendicative — rappelle les méthodes utilisées dans d’autres zones qui ont, elles, fini par basculer.
Réagir avant la rupture
Face à cette dynamique, l’inaction n’est plus une option. L’armée sénégalaise et les unités du Garsi (Groupe d’action rapide, de surveillance et d’intervention) ont déjà été mobilisées pour renforcer la surveillance à la frontière de Kidira. Mais ce renforcement doit s’accompagner d’un travail de fond dans les communautés locales : elles sont les premières lignes d’alerte, mais aussi les plus exposées à la propagande et à l’infiltration silencieuse.
Il devient urgent d’investir dans la prévention, en associant développement, renseignement et action civilo-militaire. Les exemples du centre du Mali et du nord du Burkina Faso ont démontré qu’un territoire peut basculer non pas par la force brute, mais par l’usure progressive du lien entre l’État et les populations. En ce sens, les attaques de Diboli sont un signal : si elles ne sont pas endiguées à temps, elles risquent d’ouvrir une brèche vers un terrain plus familier aux trafics, aux radicalisations latentes et à la fragmentation.
Le Sénégal n’a pas encore franchi ce seuil, mais il ne peut plus se contenter de son statut de pays en lisière. Les événements de ce 1er juillet prouvent que la géographie ne protège plus, et que la stabilité se mérite autant qu’elle se défend.
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