La décision était attendue depuis des mois : la Cour suprême du Sénégal a définitivement validé, le 1er juillet 2025, la condamnation d’Ousmane Sonko pour diffamation à l’encontre de Mame Mbaye Niang. Cette conclusion met fin à une longue séquence judiciaire ouverte fin 2022, au cours de laquelle le leader de Pastef avait accusé l’ancien ministre du Tourisme de malversations financières dans le cadre du programme PRODAC. Une déclaration qui s’était appuyée, selon Sonko, sur un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) – document dont l’existence a été mise en doute et qui n’a jamais été produit lors des audiences.
Condamné en appel à six mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts, Sonko a vu son inéligibilité confirmée par la Cour suprême, qui a en outre rejeté son rabat d’arrêt. Ce jugement clôt une procédure déjà passée par l’étape de cassation en janvier 2024, à l’issue de laquelle la contrainte par corps avait été annulée, sans modifier la sanction financière ni la privation de ses droits civiques. Pour le chef du gouvernement sénégalais, la sentence n’est pas qu’une affaire de justice : elle cristallise une opposition de fond entre institutions et ambition présidentielle.
Publication annoncée du rapport IGF : un nouvel angle d’attaque
Refusant de baisser les bras, Ousmane Sonko a rapidement contre-attaqué sur le terrain politique et juridique. Lors d’un direct diffusé le jour même de la décision de la Cour suprême, il a annoncé que ses avocats allaient introduire une nouvelle procédure, cette fois appuyée par la publication du rapport de l’IGF à l’origine de l’affaire. Ce document, longtemps présenté comme la clé de voûte de ses accusations, n’avait jamais été versé au dossier. En le rendant public à ce stade, Sonko espère renverser la dynamique judiciaire et installer un doute sur la légitimité de la condamnation prononcée contre lui.
Mais sa démarche dépasse le simple cadre de la diffamation. Le Premier ministre a officiellement saisi le ministère de la Justice afin que l’ensemble des dossiers judiciaires le concernant – de la présente affaire jusqu’à celles liées aux accusations de viol – soient désormais instruits “à charge et à décharge”, selon ses propres termes. Il entend ainsi déplacer le débat vers une exigence de transparence dans le traitement de ses procédures, quitte à repositionner son image de justiciable comme celle d’un homme traqué pour ses convictions plutôt que poursuivi pour ses actes.
Une manœuvre à plusieurs dimensions
L’initiative de Sonko s’inscrit dans un moment charnière pour sa carrière politique, où la contrainte judiciaire se mêle à une stratégie de contre-narration. En promettant de divulguer un rapport longtemps tenu secret, il tente de rallumer les braises d’un combat dans lequel il se présente comme victime d’un système. L’annonce de la mise en donation de sa maison, faite dans la foulée de la décision suprême, illustre également une volonté d’anticiper toute saisie liée aux dommages-intérêts, tout en consolidant son image d’homme politique prêt à se sacrifier.
Dans le camp de l’ancien ministre Mame Mbaye Niang, c’est le soulagement qui domine : la justice a tranché, les accusations sont juridiquement qualifiées de diffamatoires, et le verdict est irrévocable. Néanmoins, l’acharnement du Premier ministre à remettre sur la table des éléments jugés insuffisants lors des précédents procès pourrait, à terme, raviver le débat sur la place de la justice dans les batailles politiques.
L’affaire, quoique close du point de vue judiciaire, reste vivace dans l’arène publique. Si la condamnation est désormais inscrite dans le marbre des institutions, la riposte orchestrée par Ousmane Sonko ouvre un nouveau chapitre, plus politique que juridique, dans une trajectoire marquée par les tensions entre engagement militant et confrontation avec les structures étatiques.
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