Face aux pénuries d’eau qui frappent de plus en plus durement les régions arides, les stations de dessalement sont devenues des pièces maîtresses des stratégies de survie hydrique. Elles transforment l’eau de mer en eau douce, permettant à des pays soumis au stress hydrique de maintenir une agriculture viable, d’assurer un approvisionnement en eau potable et de soutenir leur croissance démographique. Pour des villes côtières en pleine expansion ou des zones agricoles menacées par la sécheresse chronique, ces usines sont comparables à des puits modernes capables d’inverser une trajectoire de crise. Dans ce contexte de rareté de la ressource, le Maghreb investit lourdement dans cette technologie pour renforcer sa sécurité hydrique, et le Maroc se démarque une fois de plus avec un projet d’envergure qui attire l’attention — et les financements — au-delà de ses frontières.
Casablanca, au cœur d’un projet aux ambitions régionales
Dans la région de Casablanca, une nouvelle station de dessalement va bientôt voir le jour, avec une capacité de production impressionnante de 838 000 mètres cubes d’eau par jour. Objectif : irriguer les terres agricoles et fournir de l’eau potable à des millions d’habitants. Conçue pour durer 30 ans, dont trois de travaux, cette installation marquera une rupture majeure dans la gestion des ressources hydriques du pays. Elle n’est pas seulement une réponse à la crise, mais une anticipation des besoins futurs d’un territoire soumis à des pressions démographiques et climatiques croissantes.
Le consortium en charge du projet, composé d’Acciona, de Green of Africa et d’Afriquia Gaz, incarne une coopération économique entre expertise locale et savoir-faire international. Le recours à des énergies renouvelables pour alimenter l’usine confirme également une volonté d’inscrire le projet dans une dynamique de durabilité. L’ampleur de l’investissement et les ambitions techniques illustrent à quel point le Maroc place l’eau au cœur de ses priorités nationales.
L’Espagne, pilier financier et technologique
Si le Maroc porte politiquement et territorialement le projet, c’est l’Espagne qui en est l’un des moteurs principaux. Elle n’a pas seulement « participé » : elle joue un rôle central dans la concrétisation du chantier, en mobilisant à elle seule 340 millions d’euros à travers plusieurs outils publics. Cette contribution ne relève pas d’une simple aide extérieure, mais d’une véritable stratégie de présence dans un secteur clé pour l’avenir de la région.
Ce n’est pas un hasard si cette station, portée par le consortium Acciona, Green of Africa et Afriquia Gaz, bénéficie d’un appui solide de l’Espagne. Pour Madrid, ce projet marque une nouvelle phase dans sa coopération économique avec Rabat. Le soutien espagnol s’élève à 340 millions d’euros, répartis à travers trois canaux principaux : un prêt de 250 millions d’euros issu du Fonds pour l’Internationalisation de l’Entreprise (FIEM) destiné à financer l’ensemble du cycle – conception, construction, exploitation – ; une garantie assurantielle couvrant jusqu’à 80 % d’un crédit bancaire de 70 millions d’euros émis par Société Générale ; et un investissement en capital de 31 millions d’euros via le Fonds pour les Investissements à l’Étranger (FIEX), géré par COFIDES.
Ce déploiement de moyens s’accompagne aussi d’un soutien institutionnel fort. La présence à Casablanca de la secrétaire d’État espagnole au Commerce lors d’un événement conjoint avec la ministre marocaine de l’Économie et des Finances souligne la dimension politique de cette collaboration. L’Espagne se positionne ici comme un acteur structurant dans la région, en investissant dans un domaine qui touche directement à la stabilité et au développement des pays riverains.
Dessalement et diplomatie : une alliance stratégique
Au-delà des chiffres et des tuyaux, cette coopération autour de l’eau ouvre un nouveau chapitre dans les relations hispano-marocaines. Dans un environnement géopolitique sensible, l’eau devient un levier diplomatique. L’Espagne, en soutenant le Maroc sur un projet aussi vital, renforce ses liens avec un voisin du sud qui joue un rôle croissant dans les équilibres du continent africain. Ce partenariat redéfinit aussi le rôle que Madrid entend jouer dans l’avenir du Maghreb, en s’affichant comme un acteur de solutions concrètes.
Pour le Maroc, cette alliance est l’occasion de démontrer sa capacité à attirer des investissements internationaux et à lancer des projets structurants. Pour l’Espagne, c’est une façon de projeter son influence, non pas par des discours, mais par des engagements financiers et industriels tangibles. Dans un monde où les tensions autour des ressources naturelles se multiplient, ce type de coopération donne un avant-goût de ce que pourraient être les alliances du futur : fondées sur la gestion partagée des ressources vitales.
La station de dessalement de Casablanca ne sera pas seulement une infrastructure d’envergure : elle sera le symbole liquide d’une collaboration stratégique entre deux rives, autour d’un enjeu commun aussi essentiel que l’eau.
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