L’Algérie vit encore à l’ombre de ses gisements. Depuis plus d’un demi-siècle, les hydrocarbures assurent la survie de son économie, alimentant les budgets publics, finançant les importations, soutenant la monnaie nationale. Le pétrole et le gaz ont façonné un modèle de développement fondé sur la rente, où la richesse ne vient pas du travail, mais du sous-sol. Ce modèle, longtemps toléré grâce aux prix élevés de l’or noir, révèle aujourd’hui ses failles. La dépendance énergétique, loin d’être un levier de puissance, est devenue une source de fragilité. Et la Banque mondiale vient de le rappeler avec insistance.
Une dépendance énergétique qui plombe les équilibres
Lors de son exposé lundi à Alger, la Banque mondiale a mis en avant une tendance inquiétante : la réduction de la production énergétique associée à l’augmentation des achats à l’étranger, a entraîné une dégradation de la balance des paiements, une diminution des réserves en devises et un accroissement du déficit public. Ces phénomènes ne sont pas le fruit d’un événement isolé, mais reflètent la fragilité durable d’une économie dépendante des variations du marché international des combustibles fossiles.
L’Algérie reste l’un des rares pays où les indicateurs macroéconomiques majeurs dépendent encore quasi exclusivement des performances du secteur pétrolier et gazier. Cette dépendance étroite signifie qu’un simple ralentissement de la production ou une correction des prix peut faire tanguer l’ensemble du navire économique. L’année 2025 en est une illustration directe : alors que le secteur hors hydrocarbures avait montré un regain de dynamisme en 2024 avec une croissance de 4,8 %, les perspectives se dégradent. Le PIB réel est attendu à 3,3 %, marquant un net recul.
Des réformes en suspens face à une croissance instable
Le ralentissement n’est pas seulement conjoncturel. Il révèle un retard structurel dans la modernisation de l’économie. La Banque mondiale a insisté sur la nécessité d’accélérer les réformes économiques pour renforcer la résilience du pays. Son représentant en Algérie, Kamel Braham, a été clair : l’heure n’est plus à la prudence, mais à la transformation. Il ne s’agit pas seulement de corriger les déséquilibres actuels, mais de poser les bases d’une croissance autonome, moins soumise aux aléas de la rente énergétique.
Les leviers sont connus : diversification des sources de croissance, amélioration du climat des affaires, réduction de la part de l’informel, réforme du système de subventions, développement du secteur privé productif. Pourtant, ces axes de réforme, souvent évoqués dans les discours officiels, tardent à se traduire en mesures concrètes. Le pays reste enfermé dans un cycle : la rente permet de différer les choix difficiles, mais elle en aggrave les conséquences lorsqu’elle s’amenuise.
La croissance hors hydrocarbures, une promesse encore fragile
Le rapport de la Banque mondiale rappelle que l’Algérie ne manque pas de potentiel. Les performances du secteur hors hydrocarbures en 2024 ont démontré qu’un redémarrage est possible. Mais cette impulsion reste insuffisante tant que les autres moteurs économiques n’ont pas atteint leur pleine capacité. La croissance non pétrolière, encore trop dépendante des dépenses publiques et des importations, ne peut pas compenser seule les pertes générées par le secteur extractif.
Le risque est donc de voir l’économie rester dans un entre-deux : ni totalement dépendante, ni réellement diversifiée. Une zone d’instabilité chronique, où chaque variation des cours du pétrole provoque un choc budgétaire, un ajustement monétaire, une reprise de l’austérité. C’est précisément ce scénario que la Banque mondiale appelle à éviter en pressant les autorités algériennes de passer à l’action.
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