Education africaine : que valent les baccalauréats A4, C, D, E, F, G en 2020 ?

L’enseignement moderne africain est basé sur le modèle du pays colonisateur. Depuis les périodes de la colonisation, puis des indépendances, les pays africains colonisés par la France, adoptent un système éducatif purement calqué sur le modèle français alors que la RDC, le Rwanda et le Burundi adoptent un système éducatif basé sur le modèle belge. C’est ainsi que dans plusieurs pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Gabon, etc. les élèves du collège passent le BEPC à la fin de leur premier cycle secondaire et le BACCALAUREAT à la fin du lycée.

Ce baccalauréat donc de source française, correspondait  au niveau 3 du CITE (Classification Internationale Type de l’Etude) : un baromètre de l’UNESCO mis en place depuis 1975 et qui est régulièrement actualisé en raison de l’évolution de la notion de l’éducation scolaire. Obtenir le Bac, permettait donc de se situer aussi peu soit-il, sur une échelle universelle de l’éducation.  Avec ses différentes séries A4, C, D, E, F, G et Ti, ce premier grade universitaire constitue le « passeport » donnant accès aux facultés et aux grandes écoles, mais également au marché de l’emploi. Les premières sessions du baccalauréat général se sont déroulées au début des années 60 sur le continent africain.

Publicité

Le système éducatif est une entité vivante, qui évolue et s’adaptant au temps et à l’espace. Le système éducatif mis en place en Afrique par les pays colonisateurs n’était pas de nature à développer nos pays. La philosophie, la mission, le concept et le projet éducatif n’avaient rien de comparable à ce qui se passe dans les pays dits industrialisés.

La réforme du système éducatif, est un domaine déterminant pour les ministères de l’éducation et les décideurs politiques des pays développés, car toute l’existence de ces pays se repose sur leur potentialité d’industrialisation, c’est-à-dire leur capacité d’apporter la plus value à la matière première et de trouver des solutions idoines à chaque difficulté que pose la nature. Cette capacité qui caractérise ces pays dits développés, ne devient effective qu’à travers la technologie qui, elle-même ne trouve sa source que dans un enseignement de qualité. Afin de garder leur avancée technologique, les pays développés anticipent sur leur système éducatif pour former une ressource humaine constamment en phase avec l’évolution alors que l’Afrique trébuche dans les méandres d’une éducation méphitique.

La desuetude des baccalaureats africains au 21ieme siecle       

Depuis 1995, la France a supprimé les baccalauréats A4, C, D, E, F et G. Le nouveau système du baccalauréat français est réparti en différentes voies. Ceux et celles qui suivent la voie  générale se préparent pour les Bac S (scientifique), ES (Economique et Sociale) et L (littéraire) alors que la voie technologique prépare pour les Bac ST qui remplacent les séries F et G de l’ancien système.

Publicité

Depuis 25 ans l’enseignement secondaire des pays africains qui, n’était déjà pas en phase avec l’évolution universelle, se voit décalé par rapport à la base référentielle qui était le Bac français.

Quel ouvrage de formation ?

Les livres de Mathématique, de Physique et Chimie etc. utilisés en général dans les lycées de l’Afrique francophone étaient largement les mêmes que ceux utilisés en France. Depuis la réforme de 1995, plusieurs éditions comme Since et Garrabos, Delagrave etc. n’éditent plus des livres pour les séries C, D et E. Tous ceux qui ont passé un baccalauréat A4, C, D et E en Afrique connaissent l’importance des annales : ces petits livres édités en Math, Physique-Chimie, Sciences Naturelles, Littérature et même en Philosophie, qui étaient de réels outils de préparation du Bac. Ces livres regroupaient des épreuves passées à Lille, à Bordeaux, Marseille, Paris, Québec etc. Depuis la réforme française du Bac, ces annales ne sont plus éditées. La question est de savoir : avec quel ouvrage l’Afrique francophone continue à former des détenteurs du BAC et quel est le niveau CITE de ces bacheliers ?       

Quelle formation suivent les formateurs ?

Les formateurs et les formateurs des formateurs africains partaient souvent en France suivre différentes formations d’ordre pédagogique suivant les différentes séries des lycées ; Quelle formation suivent aujourd’hui celles et ceux qui dispensent des cours dans les lycées africains non reformés ?

2021 : la nouvelle reforme du bac francais

Les nouvelles donnes de l’évolution universelle conduisent les autorités éducatives françaises à lancer une nouvelle réforme du baccalauréat qui sera mise en œuvre  normalement en février 2021 et lancera une nouvelle organisation non seulement de l’examen du baccalauréat mais également de l’enseignement au lycée, afin de former des vrais scientifiques / littéraires, adaptés aux études supérieures. Le monde évolue ; l’école et le système éducatif doivent s’adapter avec le temps.

En effet, alors que les élèves français sont habitués au système de séries, le BAC à partir de 2021 en France sera largement réformé avec l’apparition des spécialités. Selon le ministère de l’éducation nationale, le nouveau baccalauréat redonnerait au baccalauréat son sens et son utilité avec un examen remusclé et un lycée plus simple, plus à l’écoute des aspirations des lycéens, pour leur donner les moyens de se projeter vers la réussite dans l’enseignement supérieur. Le lycéen est ainsi invité à faire des choix de spécialités. Le BAC à partir de 2021 reposera sur une part de contrôle continu et pour une autre part sur des épreuves terminales.

Il y a 25 ans, le monde découvrait Internet qui a précédé la robotique et l’automatisation. Durant ces trois voire quatre dernières décennies, la société, les entreprises, l’humain, le comportement humain et sa façon de penser ont considérablement changé. Mais quand on est engagé dans le développement ou quand on est décideur politique ou éducatif, il convient de se demander quelles seront les projections du monde pour les trois voire quatre décennies à venir afin d’orienter le système éducatif pour préparer les jeunes à faire face aux défis de demain. Cette nouvelle orientation de l’éducation doit anticiper sur les bases des compétences qui feront le monde de demain. Allons-nous continuer en Afrique à délivrer des BAC A4, C, D, E, F et G, déjà dépassés depuis 25 ans, aux jeunes africains les années à venir ?

Un systeme educatif propre au continent africain

L’Afrique traverse une crise éducative plus catastrophique que la crise de démocratie. Avec une population de 1,3 milliard d’habitants dont plus de 60% ont moins de 30 ans, l’Afrique s’expose à de graves cirses socio économiques dans un avenir proche. Cependant, le contient traine un système éducatif impropre, inadapté et non maitrisé alors que le monde évolue et les pays développés s’éloignent de jour en jour avec leurs capacités technologiques de plus en plus performantes. L’Afrique doit arrêter de suivre le modèle occidental et poser les bases de ses propres besoins en matière de l’éducation pour un développement endogène et une autodétermination. L’avancée technologique spectaculaire de la Chine durant ces dernières décennies est largement due au fait que les Chinois ont défini leurs besoins et réorienté d’une façon spécifique leur système éducatif, leurs universités, leurs centres de formation et de recherche. Singapour, Shanghai, Hong-Kong, Taipei, Macao et la Corée du Sud sont aujourd’hui des lieux de développement de l’éducation pas excellence.  Les pays africains n’ont pas la ressource  humaine ni le savoir faire nécessaire pour transformer les innombrables ressources minières et agricoles en produits finis. Ils n’ont pas la capacité de conduire des projets de grande fabrication et doivent toujours demander des services externes. Quand (est ce que) le Contient africain se lancera-t-il dans la fabrication 100% d’une moto, une voiture, un métro, un train, un avion etc. ?     

Le changement de paradigme

Le système éducatif africain est loin de répondre aux besoins du Continent en produisant la ressource humaine capable de relever les défis de demain, mais ce qui est plus catastrophique c’est qu’on a l’impression que les responsables et les décideurs politico éducatifs n’en sont pas conscients. Ils se contentent de gérer ce qui existe.  Le problème africain est mental avant tout. Loin de tous les autres continents, les systèmes éducatifs africains conduisent l’apprenant dès l’école maternelle à sortir de lui-même en se projetant vers l’Occident. L’école africaine est centrée sur l’extérieur loin des exigences et de la culture africaine. Notre école est une expression de l’incapacité de conduire un développement endogène. Un enseignement de qualité est un choix qui a son prix. Si vous choisissez la performance, vous devez investir. Si vous ne voulez pas investir, vous resterez à la traine pour toujours. L’école africaine a besoin d’une réforme profonde qui prendra sa source dans la reconfiguration mentale de l’Africain : retour de la pensée sur l’Afrique, suivre un cursus scolaire performant en Afrique et construire son projet de vie sur le continent. Un enseignement de qualité est basé sur trois paramètres :

  1. L’expertise : la formation des formateurs (sur les) aux nouvelles techniques d’enseignement, les fondements de la science, les nouvelles technologies et le développement des projets propres au Continent est indispensable pour relever l’enseignement en général et l’enseignement scientifique en particulier sur un continent qui doit orienter la plus grande partie de sa ressource humaine vers les Sciences et la Technologie. La capacité de recherche et d’implémentation des connaissances est une caractéristique des formateurs capables de redéfinir l’éducation africaine. Cependant, pour la plus petite initiative de formation des enseignants, il faut élaborer un projet et chercher des ONG ou du financement auprès des partenaires ou des bailleurs. Quand (est ce que) les pays africains vont-ils consacrer une partie conséquence de leur PIB pour le développement de l’éducation ?
  2. Le curricula : les matières et leurs contenus évoluent et déterminent la qualité de l’éducation. Les matières doivent être définies par rapport aux besoins locaux de développement. La liste des matières et leurs contenus constituent des éléments fondamentaux pour la redynamisation de l’enseignement africain. Cependant les décideurs ne prennent pas l’initiative, ils attendent qu’une décision vienne de l’extérieur sur ce qu’ils sont appelés à faire.
  3. Le matériel pédagogique : l’enseignement africain demeure terne et austère depuis les cours maternels où on retrouve un attroupement d’enfants dans une salle de classe, récitant à longueur de journée, des textes qu’ils ne comprennent pas, et qui ne reflètent guère leur vie quotidienne, dans une pédagogie qui inhibe l’activité cognitive, la stimulation de la RE FLEXION et de l’analyse critique, le jugement personnel, la remise en question et les démarches scientifiques de recherche active de solution. Cet enseignement plat et purement théorique se normalise malheureusement en Afrique. La moindre initiative visant à acquérir les matériels de laboratoire, demande l’élaboration d’un projet, la recherche des ONG ou du financement auprès des partenaires ou des bailleurs. Personne ne se mettra au service du développement d’un enseignement de qualité en Afrique si ce ne sont les africains eux-mêmes.  

OPEM : le modele panafricain d’une ecole nouvelle

Après 18 années de recherche sur l’Ecole et le Développement en Afrique, OPEM (Observatoire Panafricain pour l’Ecole et les Métiers) est un concept éducatif qui greffe le programme d’enseignement national sur celui développé dans les pays industrialisés. Le curricula et le contenu sont spécifiquement conçus afin de permettre à l’apprenant de suivre certains cours au Togo de manière identique à ce qui est donné à Bruxelles ou à Paris. Les élèves sont appelés à passer les diplômes officiels nationaux, combinés avec une certification OPEM. L’ensemble de cette évaluation conduira à un diplôme spécifique africain : le BA (Baccalauréat Africain).  Cet enseignement qui inhibe les frontières, demande une formation exceptionnelle et continue des formateurs, un équipement de laboratoire et de matériels pédagogiques afférents afin de mettre les élèves africains dans le même environnement que leurs homologues des pays industrialisés. Depuis la classe de 6ième Science et Technologie, les élèves OPEM font de la programmation, du dessin technique sur autoCAD et des laboratoires de physique et chimie. Le système éducatif, spécialement configuré est organisé avec la pédagogie de projet. Les acquisitions des compétences sont palpables dans ce nouveau concept éducatif qui formera les vrais scientifiques dont l’Afrique a besoin.  

Dr. Victor José K. AFANOU
Chercheur sur le Système Educatif Africain
DG OPEM
Auteur et Consultant en Pédagogie et Système éducatif
www.africadeveloppement.org

2 réponses

  1. Avatar de Docta
    Docta

    Merci à l’auteur. Cet article mérite une large diffusion. Il a touché du doigt la principale cause de la plupart des maux qui minent notre pays en particulier.

    J’espère que le Conseil National de l’Éducation (CNE) capitalisera sur l’expertise de l’auteur.

    J’invite aussi le Président, qui porte une vision dans ce domaine clé, à avoir le courage de rebattre totalement les cartes dans ce domaine, et puiser beaucoup chez nos voisins anglophones (Ghana, Nigéria, Kénya, Afrique du sud, etc.) où les choses avancent.

    Cessons de prendre la France comme une référence. Elle est totalement à la traîne de plusieurs pays développés.

  2. Avatar de (@_@)
    (@_@)

    « Internet…a précédé la robotique et l’automatisation » Ce n’est pas plutôt dans l’autre sens (Automatisation, robotique, Internet…) ?
    Il y a une voie plus simple et plus rapide : plus d’écoles primaires, plus de collèges et lycées d’enseignement pro. Déjà 75% du problème sera réglé.
    \\\\ ///
    (@_@)

Répondre à (@_@) Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité



Publicité